Si les Thaïs s’étaient sans doute installés depuis fort longtemps dans le Yunnan chinois (1er siècle ?), les historiens et chercheurs les ont repérés au sein du royaume de Nanzhao (737-902) devenu le royaume de Dali (937- 1253), avec lesquels ils ont entretenus des rapports de vassalité et commerciaux, ou des alliances, mais sans pouvoir expliciter leur nature. A partir du Xème siècle ( ?), du fait des bouleversements guerriers incessants, beaucoup d’entre eux ont émigré (Combien ?), par vagues successives en prenant des chemins migratoires différents –comme nous l’avons déjà dit- selon le groupe auquel ils appartenaient : les Thaïs (siamois) dans ce qui sera le Siam (Dont, les Thaïs Yuans du Nord), les Shans ou Thai Yai en Birmanie, les Zhuangs du Yunnan en Chine du Sud, les Thai Lue au Laos et en Chine, (encore appelés Dai), les Nung en Chine, au Laos, et au Siam et au Viêtnam, les Tai Dam ou « Thai Noirs » au Laos et au Viêt Nam, les Tai Daeng ou « Thai Rouges », les Tai krao ou « Tai Blancs » …
Mais nous savons peu sur la mémoire des migrations des Thaïs. Elle ne peut être sujette qu’à des « reconstitutions » plus qu’approximatives, ne serait-ce que par la diversité et le nombre des populations de langues tai, l’absence de nom des muang et des dates des premières installations. On ne connait même pas comment se sont déroulés les différentes et principales étapes migratoires. Les éminents spécialistes comme Stéphane Dovert* affirme qu’ « Entre le XIe et le XIIIe siècle, les empires de Pagan (Birmanie), du Champa, et d’Angkor dominent l’Asie du Sud-Est. On n’y trouve toujours guère de trace des Tai, sauf à travers la présence d’esclaves de cette communauté à Pagan ou au Champa ». Michel Jacq-Hergoualch*, quant-à lui, nous apprend qu’ils sont mentionnés vers 1050 dans une inscription chame du Po Nagar de Nha Trang comme prisonniers de guerre, et qu’ils apparaissent comme mercenaires sur l'un des bas-reliefs d'Angkor Vat (galerie sud, aile ouest).
Pourtant dès cette époque, les muang Thaïs avaient déjà commencé leur migration du Nord au Sud, en suivant les vallées et les rivières et notamment le Chao Praya, à la recherche des terres cultivables, en tenant compte de la situation géopolitique du moment et de la situation locale. Ils durent « composer », pour obtenir des terres, établir des alliances, des rapports de vassalité avec le royaume khmer d’Angkor, qui depuis le IX ème siècle avait entrepris la conquête de vastes territoires du futur Siam qu’il avait achevée à la fin du XIIème siècle. Mais de cela, nulle histoire ou si peu.
Mais ils durent aussi composer avec les Môns qui avaient émigré en nombre du Founan quand celui-ci fut absorbé par le Tchen-la au milieu du VIème pour renforcer des villages môns déjà établis et former un certain nombre de cités-états ou petits royaumes au sein de la culture dite de Dvaravati, comme ceux du royaume de Lavo (Lopburi), de Supannabhum (Dans la province de Suphanburi) et au nord, celui de Haripunchai (Capitale Lamphun), conquis en 1292 par Mangraï, (le roi thaï du Lanna). Une « civilisation » qui s'étendait de la basse Birmanie, dans la baie de Bangkok, et la plaine centrale du Chao Phraya, jusqu’en Isan. (Cf. Notre article précédent citant d’autres centres : Nakhon Pathom, Sri Thep (Province de Phetchabun), U-Thong (Berceau du royaume d'Ayutthaya dont le premier roi, Ramathibodi était prince d'U Thong.), Khu-Bua (près de Ratchaburi), Non Muang - Muang boran, Muang Fa (à 80 kilomètres de Khonkaen), Muang Fa Daet Song Yang ou Kanok Nakhon (près de Kamalasai (Kalasin))
Pendant qu’à l’Est, les Birmans du royaume de Pagan menaçaient, attaquaient parfois, (Ils ont pris le royaume Môn de Pegou en 1057, qui retrouvera son indépendance après la chute de Pagan devant les Mongols en 1287), et au Nord les muang laos étaient prêt à défendre ou élargir leur territoire, et au Sud les cités/Etat ou sultanats musulmans comme ceux de Tambralinga (autour de Nakhon Si Thammarat) Kedah, Pattani, Singgora (Songkhla en Thaï) … n’entendaient pas se laisser envahir.
On avait là, la géopolitique, les forces avec lesquelles les muang thaïs durent composer, s’allier, ou combattre parfois, jusqu’à pouvoir se constituer en royaume. Mais nous ignorons tout de l’organisation de ces cités Dvaravati***, et des relations qu’elles ont pu établir avec les Thaïs, de même nous ne savons pas (ou si peu) où étaient installés les gouverneurs et autres officiels khmers ainsi que leurs garnisons, même si les temples khmers importants retrouvés permettront un jour d’établir une carte de leur quadrillage militaro-administratif. (Rien qu’au Nord-Est (Isan) on estime que les Khmers ont construit plus de 300 temples, dont Phimai, qui était relié à Angkor, au sud, par une « voie royale » longue de 225 kilomètres.).
Il y avait donc eu des guerres, des raids, des coups de forces. Mais comment se formèrent les principautés et/ou chefferies de Mogaung, Muang Nai, Ahom ? Qui en avait le contrôle ? Comment se forma cette nouvelle aristocratie thaïe ? Comment ces nouveaux seigneurs thaïs se virent octroyer titres et prérogatives par les empereurs d'Angkor ? ****
Il faudra attendre la mort de Jayavarman VII en 1218 pour assister au déclin de l’Empire khmer et voir surgir les premiers royaumes thaïs comme par exemple : Phayao (Quand exactement ?), Sukhothai en 1238 (1239 ?), et le Lanna en 1259.
Mais chacun de ces trois royaumes avaient auparavant sa propre histoire dont ne connaissons que quelques bribes.
Ainsi wikipédia, sans référence, nous apprend que « Selon les historiens modernes, la sécession de Sukhothaï d'avec l'Empire khmer commença dès 1180, sous le règne de Po Khun Sri Naw Namthom, souverain de Sukhothaï et de la cité voisine de Sri Satchanalai (actuel Amphoe Si Satchanalai, dans la province de Sukhothaï). Sukhothaï bénéficiait à cette époque d'une large autonomie, mais elle fut reprise vers 1180 par les Môns de Lavo sous leur roi Khomsabad Khlonlampong. » Pour poursuivre « Deux frères, Po Khun Bangklanghao et Po Khun Phameung (Po Khun était un titre de noblesse) arrachèrent Sukhothai aux Môns en 1239. Bangklanghao gouverna Sukhothai sous le nom de Sri Indrathit et fut le premier souverain de la dynastie Phra Ruang. »
Au Nord, le roi Mangraï, le 17ème( ?) roi de Ngoenyang (Chiang Sen), (qui avait succédé au muang de Singhanavati) réussissait en 1259 ( ?) à fonder le royaume de Lanna (Capitale Chiangraï), en rassemblant Ngoenyang avec des cités-États plus ou moins autonomes comme Chiang Mai, Lampang, Lamphun, Nan et Phrae. Mais comment s’était formés ces muang thais autonomes ?
Et la cité-Etat de Phayao ? On évoque des « légendes » et des chroniques thaïes (Mais lesquelles ?), pour dire que « le prince Phrom (fin du 11° siècle) (fut) un roi héroïque de Thaïlande. Avec son armée, il a attaqué victorieusement les troupes de l'empire Khmer pour conquérir les territoires au sud de Chalieng. Avoir étendu son pouvoir sur les terres lointaines telles que Lanna, Luang Prabang, Vientiane et Lanchang, il fonda la cité de Fang pour son propre pouvoir et la renomma Chai Prakan. Ses successeurs ne purent garder le royaume intact et connurent rapidement une fin tragique.
Ultérieurement, les descendants de Phroms créèrent la principauté de Payao tandis que certains chefs Thaïs qui étaient sous le contrôle des Khmers, tel que Bang Klang Thao et Pha Muang par exemple, montrèrent des signes d'indépendance envers les Khmers. ( Quelle précision !) (Cf.*****)
Ou bien on va évoquer des sources chinoises, là encore sans dire lesquelles, comme par exemple Stéphane Dovert, citant O.W. Wolters : « Les textes chinois mentionnent dans les toutes premières années du XIIIème siècle l’ambassade d’un petit Etat probablement situé aux alentours de Phetchaburi et qu’ils appellent « Chen-Li-fu ». Mais –ajoute-t-il- On ignore s’il était de construction mône, khmère ou thaïe !!! ******
De même plus tard, la stèle dite de Ramkhamhaeng de 1292, donnait les cités qui avaient fait allégeance au roi Ramkhamhaeng de Sukhothai : « A l’est : Sra Luang, Song Kwae, Lambachaî, Sakha, les rives du Khong (Mékong), Wiangchan, Wiangkham. Au sud : Khonti, Phra Bang, Phraek, Suphannaphumi, Ratchaburi, Phetchaburi, Sri Dhammaraja. A l’ouest : Muang Chot, Muang …n , Hongsawadi. Au nord : Muang Phrae, Muang Man, Muang N…, Muang, Phlua, et de l’autre côté du Khong, Muang Chawa ». Mais quelle était l’histoire de ces cités ? (Cf. *******)
Quelles furent les étapes de leur migration pour arriver aux lieux d’installation définitive ? Comment ces muang s’étaient constitués en cité-Etat, plus ou moins autonomes ? Nous n’en savons rien.
Bref, il nous faut avouer, comme pour l’origine, nous en savions peu sur cette histoire de la migration des Thaïs en ce pays qui sera le Siam.
*16. Notre Histoire : La conquête du « Siam » par les muang.
** Michel Jacq-Hergoualch, Le Siam, Guide Belles Lettres des Civilisations, Les Belles Lettres 2004, ISBN 2-251-41023-6, p. 59.
Stéphane Dovert, « La Thaïlande prête pour le monde » in Thaïlande contemporaine., IRASEC, Les Indes savantes, 2011
***5. « Notre » Histoire de la Thaïlande : l’indianisation de la Thaïlande avant les Thaïs.
6. Les États indianisés avant l’arrivée des Thaïs.
****http://www.gavroche-thailande.com/actualites/histoire/10930-naissance-d-un-royaume)
***** (In ttp://bottu.org/histoire/histoire05.htm)
******O.W. Wolters. Cité en note p.204, par Stéphane Dovert in « Thaïlande contemporaine », IRASEC, Les Indes savantes, 2011.
*******18. Notre Histoire : Les Thaïs entrent dans l’Histoire, avec la fondation du royaume de Sukkhotaï.
27. Notre Histoire : La formation de l’Etat du Lanna en 1262 dans le Nord de la Thaïlande.
http://www.alainbernardenthailande.com/article-10-3-l-isan-au-temps-des-royaumes-thais-72127161.html
20. Notre Histoire : Le roi de Sukkhotaï Ramkhamhaeng, selon la stèle de 1292 http://www.alainbernardenthailande.com/article-20-notre-histoire-le-roi-de-sukkhotai-ramkhamhaeng-selon-la-stele-de-1292-101594410.html
On peut, si on est curieux, voir comment procède un spécialiste de l’Ecole française d’Extrême Orient comme Charles Archambault dans un article sur l’ancien royaume de S’ieng Khwuang (Etat situé dans le Laos actuel) pour mesurer à quel point il est difficile, voire impossible de reconstituer l’histoire d’un muang, en ne disposant que de bouts de documents pétries de légendes essayant d’interpréter des traditions orales.
http://www.persee.fr/doc/befeo_0336-1519_1967_num_53_2_5059
Mai
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