« Insolite ou pas » ?
Vous avez peut-être été surpris en apprenant que le 25 avril 2017, la Cour Provinciale de Lamphun ...
... a condamné Songpol P------- à un an de prison et 5.000 baths d’amende pour avoir violé l’article 14 de la loi sur la criminalité informatique (CCA) en écrivant sur Facebook en février 2016 des propos « obscènes » sur la reine Chamadevi (ou Chammatewiุ - จามเทวี), qui a fondé au 8ème siècle le royaume d’Haripunchai (หริภุญชัย).*
On savait que l’article 14 du « Computer crim act » (CCA - อาชญากรรมทางคอมพิวเตอร์ประเภทต่างๆ) (qui prévoit jusqu’à 5 ans de prison et/ou une amende de 100.000 bahts pour le téléchargement de contenus « falsifiés » ou « erronés » qui seraient « susceptibles de faire du tort à un tiers ») a été utilisé par la junte depuis le coup d’Etat de 2014 pour contrôler les médias, les réseaux sociaux, pour menacer, arrêter et/ou emprisonner des journalistes, des défenseurs des droits humains ou toute personne émettant des critiques contre l’armée et le gouvernement ; et qu’il était même parfois associé au crime de lèse-majesté ; mais on n’aurait jamais pu imaginer que cela puisse concerner des insultes tenues contre la reine Chamadevi, la fondatrice vers 750 du royaume môn d’Hariphunchai, dont la capitale était déjà Lamphun.
Mais en fait ce qui peut apparaître comme insolite s’estompe si on considère ce que peut représenter la reine Chamadevi pour la majorité des habitants de Lamphun, et pour le moins, pour ceux qui ont porté plainte contre ce qu’ils ont jugé « diffamant ». Elle est certes considérée comme la reine fondatrice du royaume môn d’Haripunchai, mais on attribue à son successeur, son fils Mahandayok, la fondation à Lamphun en 755 du Wat Chama Devi ou Wat Kukut (วัดพระธาตุจามเทวี – กู่กุด). Ce Wat possède un rare chedi (stûpa) pyramidal à degrés, connu sous le nom de chedi Mahipol ou encore chedi Suwan Chang Kot, qui est censé contenir les cendres de la reine Chamadevi.
Sa statue – photographiquement maltraitée par le délinquant - est érigée dans le parc public Nong Dok.
Son chédi est un lieu de pèlerinage très vénéré comme celui – proche - du temple du Wat Phra That Hariphunchai (วัดพระธาตุหริภุญชัย), qui possède – bien sûr- des reliques de Bouddha. Ce sont des sites chargés d’histoire, des sites sacrés. **
Autant dire que la reine est populaire à plus d’un titre et que sa légende, associée à la sacralité du Wat et de ses cendres jouent un rôle majeur pour ceux qui viennent lui rendre hommage, la prier, et lui demander d’intervenir pour rendre leur vie meilleure et plus méritante (au sens bouddhiste).
Aussi, quand « Le Petit journal » du jeudi 11 mai 2017 *** titre : « LÈSE-MAJESTÉ- Condamné pour avoir diffamé une reine du VIIème siècle », on a peut-être ici une grossière erreur d’interprétation, si on considère que ce qui a été diffamé n’est pas la reine historique, dont on sait peu de choses, mais la reine présente en son chédi, une personne sacrée.
Nous avons maintes fois montré combien le bouddhisme thaïlandais était illisible sans la pensée d’un syncrétisme religieux qui a intégré les traditions « religieuses » animistes, les croyances ancestrales, les esprits, les forces magiques … et pourrait-on rajouter ici, le pouvoir sacré d’un lieu historique môn de l’ancienne civilisation dvâravatî (L’un de ses derniers vestiges), relayée par celle du Lanna dès 1292, puis des Birmans pendant deux siècles jusqu’en 1774, où elle fut libérée et vassalisée à la dynastie Chrakri ; et intégrée au Siam lors de la réforme administrative de 1892 du roi Chulalongkorn. Un lieu historique certes, mais aussi un lieu avec ses légendes, ses divinités, ses esprits … et celui d’une reine – présente, vivante - qui agit dans la vie de ceux qui viennent l’honorer et la prier.
Nous avons maintes fois rappelé ****que les Thaïs « croient aux esprits, aux divinités résidant dans certains objets ou éléments de la nature, à de nombreux êtres spirituels qui contrôlent et agissent dans différents aspects de l'environnement naturel et social. Il vit dans le sacré, dans un temps et un espace social et géographique sacrés. Il sait ce qu’il faut faire pour vivre ce sacré. Il connait le rituel à suivre dans le calendrier, les cérémonies qui marquent les étapes de sa vie et de ses activités. Il ne peut accomplir aucun acte important de sa vie sans demander au préalable à un moine, s’il doit le faire ou quand il doit le faire (se marier, construire une maison, faire un voyage, etc …). Il doit être en harmonie avec le cosmos. Il connait les endroits sacrés, qu’il faut honorer. (In 22 Notre Isan, bouddhiste ou animiste ?***)
Chaque province, chaque cité, chaque village a ses esprits particuliers, ici dans un arbre sacré, là dans un champ, une maison, etc, chargés de tenir éloignés les «Phi», les esprits malveillants, et dont il faut s’assurer la protection. De nombreuses maisons possèdent des maisons des esprits miniatures (san phra phum), destinées à abriter les Seigneurs des lieux, les Phra phum (langue formelle) ou Chao thi (langue populaire) chargés d’éloigner les mauvais esprits, que l’on honore en offrant nourritures, boissons, encens et fleurs. De nombreux Thaïs portent des amulettes (Phra kreuang), ou se font tatouer des symboles protecteurs, là encore, pour se protéger des mauvais esprits et avoir de la chance.
Lamphun et ses habitants vivent bien sûr au milieu de ces croyances et associent à Bouddha, d’autres divinités et pour certains le culte de la reine Chamadevi. On peut certes en avoir d’autres, mais s’autoriser à proférer des propos diffamatoires sur Facebook peut aussi autoriser certains de ses fidèles à porter plainte. Ils ne sont pas responsables du fait que la justice ait utilisé l’article 14 de la loi sur la criminalité informatique (CCA) pour condamner le coupable.
Il est évident – ici - que nous ne portons nul jugement sur la pertinence et l’usage de cette loi sur la criminalité informatique (CCA) qui condamne aussi bien les piratages informatiques que des propos ou images jugés choquants. On peut deviner ce qui est choquant pour une junte au pouvoir.
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NOTES
*Version anglaise :
Man gets suspended jail term for defaming ancient queen”, Submitted by editor2 on Thu, 27/04/2017 - 11:05 https://prachatai.com/english/node/7102
Version thaïe :
https://prachatai.com/journal/2017/04/71206
Songpol Phoomesri a bénéficié d’un sursis probatoire et n’a pas été emprisonné.
**Pour une brève description du Kut Ku Wat (Wat Chama Devi) : Cf.
http://www.thailandbuddy.com/French/travel/province/lamphun/Wat-Ku-Kut.html
et du Wat Phra That Haripunchai :
http://www.thailandbuddy.com/French/travel/province/lamphun/Wat-Phra-That-Haripunchai.html
Pour la civilisation dvaravati, voir notre article
http://www.alainbernardenthailande.com/article-7-dvaravati-et-les-royaumes-mons-92109628.html
*** « LÈSE-MAJESTÉ - Condamné pour avoir diffamé une reine du VIIe siècle » A.C. (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) jeudi 11 mai 2017
Sachons que le titre erroné évoquant le « lèse-majesté », terme que l’on ne trouve ni dans l’édition anglaise du journal local ayant donné l’information, ni dans sa version thaïe laquelle est plus circonstanciée et donne une idée (évidemment caviardée) des exploits de ce jeune Thaïlandais probablement plus bête que méchant.
Rappel et précisions : Le crime de lèse-majesté ?
Il est prévu et réprimé par le code pénal dans sa version « rafraichie » du 13 novembre 1956. Le chapitre I du titre I ne concerne que les infractions commises contre le Roi, la Reine, l’héritier du trône et le Régent. Il n’est évidemment pas question ni de leurs ancêtres ni des membres des précédentes dynasties. Parler en l’occurrence de condamnation pour « lèse-majesté » est un barbarisme. L’article 112, source des condamnations parfois excessives pour lèse-majesté stipule « Quiconque, diffame, insulte ou menace le Roi, la Reine, l'Héritier ou le Régent, sera puni d'un emprisonnement de trois à quinze ans ».
มาตรา 112 ผู้ใดหมิ่นประมาท ดูหมิ่น หรือแสดงความอาฆาตมาดร้ายพระมหากษัตริย์ พระราชินี รัชทายาท หรือผู้สำเร็จ ราชการแทนพระองค์ ต้องระวางโทษจำคุกตั้งแต่สามปีถึงสิบห้าปี หมายเหตุมาตรา 12 แก้ไขเพิ่มเติมโดยคำสั่งของคณะปฏิรูปการปกครองแผ่นดิน ฉบับที่ 41 ลงวันที่ 21 ตุลาคม พ.ศ.2519
Rappelons que cette version du code pénal de 1956 reprend pour l’essentiel le code originaire de 1908, œuvres des juristes français ainsi que nous l’avons détaillé dans un précédent article :
http://www.alainbernardenthailande.com/article-143-le-code-penal-siamois-de-1908-123864695.html
Ce n’est pas le principe qui est en cause - les monarchies espagnoles ou scandinaves sont également protégées - c’est la lourdeur des peines encourues et une utilisation souvent intempestive des poursuites.
Les infractions en matière informatique :
Comme dans tous les pays du monde, le développement fulgurant de l’informatique et d’Internet a nécessité des compléments législatifs.
Que leur utilisation puisse être faite de façon extensive ou abusive est une chose, qu’elle ait été une nécessité est une évidence.
Le texte de base est la « Loi sur la criminalité informatique » du 10 juin 2007. L’article 14 qui a ou aurait servi de fondement à la condamnation stipule dans deux alinéas :
« Une personne qui commet une infraction comme suit est passible d'une peine d'emprisonnement de cinq ans au plus ou d'une amende maximale de cent mille bahts ou les deux :
1. l'importation dans un système informatique de données falsifiées, en tout ou en partie, ou de fausses données informatiques, de manière à causer des dommages à un tiers ou au public;
……
4. importation dans un système informatique de toute donnée informatique de nature pornographique accessible au public »
14. การทุจริตสนามม้าแข่งในออสเตรเลีย - เสมียนที่ควบคุมในระบบม้าแข่งแห่งหนึ่งของ - ฐาลได้ทุจริต - การแก้ไขเวลาในเครื่องให้ช้าลง 3 นาที ทราบผลการแข่งขันจะโทรแจ้งแฟน - ความเสียหายที่เกิดขึ้น ไม่มีใครพิสูจน์ทราบ ไม่รู้ว่าทำมานานเท่าใด - จับได้เพราะแฟนสาวโกรธที่ได้เงินมาแล้วแบ่งให้หญิงอื่น
****Les Thaïs (dont les Isan) sont bouddhistes, animistes … :
Cf. Nos articles :
22 Notre Isan, bouddhiste ou animiste ?
http://www.alainbernardenthailande.com/article-22-notre-isan-bouddhiste-ou-animiste-78694708.html
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