Comme pour ses successeurs d’ailleurs.
Nous avions le projet de vous proposer un récit de l’histoire de la Thaïlande, nous basant sur nos modestes recherches de « « Notre » histoire de la Thaïlande », mais depuis 13 articles sur l’origine des Thaïs et la fondation des premiers royaumes thaïs indépendants, nous avons surtout montré notre impossibilité de le faire, faute de sources viables. Il en sera ainsi pour le roi Loethai de Sukhotai.
**************
Le grand héros national, le roi Ramkhamhaeng (รามคำแหง) est donc mort, mais quand ? «Officiellement » en 1317 ; Mais d’autres historiens le font mourir en 1298 ou 1313, ou 1323; d’autres le font régner entre 1283 et 1292. Coedès est plus catégorique : « On ignore la date exacte de la mort de Ramakhamhaeng. Il semble résulter d'un passage de l'Histoire des Yuan qu'elle aurait eu lieu entre l'ambassade de 1295 et celle de 1299 »*.
Autant dire qu’il en sera de même pour son successeur, son fils Loethai, le quatrième roi de la dynastie Phra Ruang : 1298-1323 ou 1317-1345 (ou 1347 pour Coedès) Une liste qui se veut officielle et donc ne souffrant pas les incertitudes, signale qu’en 1317, Phu Saisongkran aurait assuré l’intérim alors que Loethai était en mission en Chine (Mais on ne sait rien de cette mission) et que Lithai (Lüthai) lui aurait succédé en 1347 (1347-1374), après un « intérim » de Phaya Nguanamthom (งั่วนำถุม) en 1347. (Pourquoi ?).
Aux dates incertaines de son règne, Coedès nous assure que le nom de Loethai ne peut être associé qu'à fort peu d'événements historiques, comme d’ailleurs pour ses successeurs.
« (Ils) ne nous sont guère connus que par des inscriptions postérieures à leurs règnes et qui les mentionnent incidemment. La pénurie des documents réellement utilisables nous contraint donc de rentrer plus que jamais dans le champ des hypothèses » (Aymonier).
Et encore ces hypothèses sont très différentes, contradictoires selon que les sources proviennent de Siam, de Malaisie, de Birmanie, de Chine (Cf. Notre article RH 9-**) … Nous vous avons déjà donné dans notre article 28*** consacré au « déclin de Sukhotai. Le roi Loethai.», un aperçu de ces histoires quelque peu farfelues, ou - si vous préférez - magiques, légendaires, merveilleuses … plus propres aux goûts des Siamois :
« Les Siamois ajoutent foi à une foule de contes merveilleux, tirés des livres des Brames ils croient aux sirènes, aux ogres ou géants, aux nymphes de bois, aux fantômes, aux revenants, et à plusieurs animaux monstrueux et prodigieux, parmi lesquels je citerai les nagas (นาค) ou serpents, qui vomissent des flammes;
les héras et mangkons ou dragons, dont la forme ressemble un peu au crocodile (มังกร),
l'aigle garuda qui dévore les hommes (ครุฑ), et l'oiseau appelé Katsadilung qu'on dit avoir un bec semblable à une trompe d'éléphant. ». (Mgr Pallegoix)****
On caractérise son règne comme le début du déclin de Sukhotai, au vu de la perte de nombreux muang vassaux, comme par exemple (Cf. wikipédia, où peu de dates sont proposées) : Uttaradit au Nord, les royaumes laotiens de Luang Prabang et de Vientiane ; Suphanburi au sud ; Il aurait envoyé une expédition contre le Champa vers 1312 (Mais Coedès pense que c’est son père en 1313) ; En 1319, les Môns de Martaban auraient rompu leur alliance ; En 1321, le Lanna aurait pris Tak (Une des plus anciennes villes contrôlée par Sukhotai) et aurait absorbé Phayao en 1338 ; le royaume vassal de Pegu (Birmanie) se serait emparé des villes portuaires de Mergui et Tenesserim sur la côte occidentale de Thaïlande. (Quand ?)
Coedès* quant-à lui, nous dit que Lothaï aurait profité des troubles qui survinrent à Martaban pour reprendre Tavoy et Tenasserim, mais qu’il fut moins heureux lorsqu'il essaya de venger le meurtre de son petit-fils qui avait tenté de prendre le pouvoir à Martaban : son armée fut défaite et Martaban cessa de reconnaître sa suzeraineté. Sur la foi d’inscriptions, Lothaï aurait envoyé en 1335 au col de Cüa Rao, sur la cordillère indochinoise, une délégation pour saluer l'empereur du Dai Viét, TrânHièn-tôn, qui menait alors campagne contre le royaume t'ai d'Ai-lao (Sud-Ouest du Yun-nan).
Vers 1340, Lothaï aurait nommé son fils Lu Taï vice-roi à Si Sachanalai (ศรีสัชนาลัย) (Savankolok), et qu’il mourut très probablement en 1347.
Nous avons bien là des bouts d’événements bien souvent au conditionnel qui nous informent fort peu sur l’histoire de ce règne.
On est toujours dans les généralités creuses ou dans les « il semble » comme « il semble que, vers 1330 les Pégouans battirent les Siamois et s’affranchir complètement de leur domination ; ce qui occasionna de longues guerres entre les deux pays. » Ou bien, on évoque des annales chinoises, birmanes ou malaises, pour donner d’autres faits, d’autres anecdotes mais qui ne concordent pas entre eux. Ainsi des chroniques malaises mentionneraient qu’en 1340 il y aurait eu une guerre entre le roi de Siam et le roi de Malacca !
Bref, on ne sait rien de sérieux, d’historique. Même le wikipédia anglais vous allèche en vous disant qu’après la révolution de 1932, les recherches et les écrits sur Sukhotai furent abondants, mais il ne donne en référence que le livre de Bradley qui a traduit et commenté la stèle de Ramkhamhaeng de 1292. (Cf. La présentation de son article in Cf. Notre article RH 10 - Le roi de Sukhotai Ramkhamhaeng, selon la stèle de 1292.) *****
Bien entendu, comme pour les successeurs, vous trouverez toujours une mention signalant sa grande dévotion au bouddhisme et que ses œuvres religieuses lui valurent le titre de Dharmaacha ou Dharmikaracha, ou Dharmarajadhiracha, «roi pieux». On évoquera des relations plus intenses avec Sri Lanka, la métropole du bouddhisme, mais sans donner d’exemples.
Bref, c’est encore Georges Coedès, qui dans « Les Etats hindouisés d'Indochine et d'Indonésie, XIII, LE DÉCLIN DES ROYAUMES HINDOUS (Première moitié du XIVe siècle), propose le meilleur récit à partir de sources dont il disposait, dont il ne cache pas l’aspect légendaire et laconique.******
« On ignore la date exacte de la mort de RâmaK'amhèng. Il semble résulter d'un passage de l'Histoire des Yuan qu'elle aurait eu lieu entre l'ambassade de 1295 et celle de 1299. A cette date, en effet, le roi du Sien « présenta au trône une supplique disant qu'au temps où son père était sur le trône, la Cour avait accordé en don à celui-ci des chevaux blancs avec selles et brides et des vêtements en fil d'or, et il demandait que conformément à ce précédent on lui en accordât ». Cette supplique, qui fut suivie d'un refus partiel, a l'air d'émaner d'un nouveau roi. Toutefois, l'avènement avant 1299 du successeur de RâmaK'amhèng semble difficile à concilier avec les données du Râjâdhirâjaou Histoire de Marta-ban, d'après lesquelles, à la mort de Wareru en 1313, son successeur reçut de P'raRuang le titre de Râmapratishtha « établi par Râma », qui ne peut guère avoir été conféré que par RâmaK'amhèng. Par ailleurs, si le fils de RâmaK'amhèng avait succédé à son père avant 1299, il aurait régné environ 50 ans, ce qui semble bien long pour un roi dont on sait si peu de chose. Il est plus vraisemblable que RâmaK'amhèng cessa de régner peu avant 1318, date à laquelle le roi de Martaban envahit Tavoy et Tenasserim.
Si cette conjecture est exacte, c'est encore RâmaK'amhèng qui en 1313 provoqua au Champa ces incursions dont parlent les annales du Viêt-nam. Ses troupes durent pour cela traverser des territoires qui avaient appartenu au Cambodge, et que celui-ci avait perdus ou n'était plus en état de défendre contre son redoutable voisin.
La légende veut que P'raRuang ait disparu dans les rapides de la rivière de Savank'alok. Il est difficile de dire si cette légende repose sur un fait historique, et si elle s'applique à RâmaK'amhèng ou à quelque autre souverain de sa dynastie.
RâmaK'amhèng eut pour successeur son fils Lô T'ai, que par suite d'une fausse lecture on a longtemps appelé Süa T'ai, « le Tigre des T'ais » : cet idolum libri reparaît de temps en temps dans les livres.
Le nom de Lô T'ai ne peut être associé qu'à fort peu d'événements historiques. Du côté de la Birmanie, il semble avoir profité de troubles qui survinrent à Martaban pour reprendre Tavoy et Tenasserim. Mais il fut moins heureux lorsqu'il essaya de venger le meurtre de son petit-fils qui avait tenté de prendre le pouvoir à Martaban : son armée fut défaite et Martaban cessa de reconnaître sa suzeraineté ».
C'est encore Lô T'ai qui, vu la date, envoya en 1335 au col de Cüa Rao, sur la cordillère indochinoise, une délégation pour saluer l'empereur du DaiViét, TrânHièn-tôn, qui menait alors campagne contre le royaume t'ai d'Ai-lao (Sud-Ouest du Yun-nan).
Vers 1340, Lö T'ai désigna comme vice-roi à Si Sach'analai (Savank'alok) son fils Lü T'ai, et mourut très probablement en 1347. Sa dévotion au bouddhisme et ses oeuvre religieuses lui valurent le titre de Dharmarâja ou Dharmikarâja, « roi pieux », que ses successeurs portèrent après lui. On lui doit notamment la fondation de plusieurs Buddhapâdaou empreintes du pied du Buddha, faites à l'imitation de celle qui est vénérée à Ceylan sur le sommet du Sumanakûta ou Pic d'Adam.
Les relations entre Sukhot'ai et la métropole du bouddhisme s'intensifièrent en effet sous le règne de Lö T'ai, en partie grâce à l'action d'un prince t'ai qui prit la robe jaune, fit un voyage dans l'Inde et à Ceylan et en rapporta des reliques miraculeuses. Ce prince, qui après ce voyage reçut le titre de MahâtheraÇrîSradhârâjachûlâmuniSrîRatanalankâdipaMahâsâmi, était un petit-fils de ce PhaMüöng qui, l'on s'en souvient, avait mis sur le trône de Sukhot'ai le père de RâmaK'amhèng. »
On a bien là un récit évoquant le roi Lothaï, mais dont nous pouvons douter qu’il puisse vous éclairer.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Notes et références.
*CŒDES, Les Etats hindouisés d'Indochine et d'Indonésie, XIII, LE DÉCLIN DES ROYAUMES HINDOUS (Première moitié du XIVe siècle).
**RH 9 - DE LA DIFFICULTÉ D’ÉCRIRE L’HISTOIRE DU ROYAUME DE SUKHOTAI. http://www.alainbernardenthailande.com/2017/02/rh-9-de-la-difficulte-d-ecrire-l-histoire-du-royaume-de-sukhotai.html
(Une autre source donne : 4/ Loethai (1298-1323) (fils de Ramkhamhaeng) 5/ Nguanamthom (1323-1347) (cousin de Loethai et fils de Ban Muang) 6/ Lithai (Thammaracha 1) (1347-1368) ( cousin de Nguanamthom, Fils de Loethai) 7/ Leuthai (Thammaracha II) (1368-1399) ( fils de Lithai) ) 8/ Thammaracha III (1399-1419) 9/ Thammaracha IV (1419-1438)
**** Cf.29. Comment les Annales thaïes présentent Sukhotai.
Ou plutôt comment Mgr Pallegoix dans sa Description du royaume de Siam propose un abrégé de l’Histoire de Sukhotai.
In Chapitre 19, Histoire des Thaï, appelés Siam, in DESCRIPTION du ROYAUME THAI OU SIAM, tome second, Lagny, Imprimerie de Vialat et Cie, 1854
*****in, « The oldest known writing in Siamese, the inscription of Phra Ram Khamhaeng of Sukkhotai, 1293 A. D. », (by Cornelius Beach Bradley, A. M., Professor of rhetoric in the University of California, Bangkok, 1909)
commenter cet article …