ou Le "roi tigre".
La dynastie que les Thaïs appellent la dynastie Ban Phlu Luang (ราชวงศ์บ้านพลูหลวง, la « maison du bétel royal » fondée sur la sanglante usurpation de Phetracha « né avec tous les talents des grands hommes et les vices des scélérats » nous dit Turpin (1), commence avec celui-ci en 1688 (2). Il règne 15 ans avant que son fils, adoptif ou spirituel, peu importe, au nom prestigieux de « roi tigre » ne lui succède pour 5 ans seulement (3). Ce fut le début de ce que l’on qualifie parfois un peu vite de la période isolationniste du Siam après le départ des Français dans les conditions que l’on sait.
A la mort du « roi tigre » que Wood, moralisateur, attribue à « ses excès de boisson et à ses débauches » (4),
succède son fils, Sanphet 9 (พระบาทสมเด็จพระสรรเพชญที่ ๙) ou encore Thaï Sa (สมเด็จพระเจ้าอยู่หัวท้ายสระ).
Le roi Tigre ne s’entendait pas avec son fils aîné et voulut faire du second son héritier. Celui-ci, nous dit fort joliment Turpin « se montra véritablement digne du trône par le refus qu’il fit d’y monter au détriment de son aîné qu’il fit rentrer dans la jouissance des privilèges de la nature. Il n’exigea de lui qu’une condition, ce fut d’être son successeur en cas qu’il vint à mourir le premier ». Thaï Sa a vingt-huit ans lorsqu’il devient roi. Son jeune frère devient donc Uparat (อุปราช), c’est-à-dire vice-roi et héritier présomptif de la couronne.
Monseigneur Pallegoix (5) nous dit pour décrire son règne : «Chao Dua étant mort, son fils (qu’on ne nomme pas) lui succéda. Il ne fit rien de remarquable si ce n’est qu’il chassa les Annamites du Cambodge qu’il rendit tributaire ». Voilà donc notre prélat qui exécute en deux lignes le règne du fils comme il a exécuté celui du père en trois ! Aymonier n’est guère plus prolixe (6) : « Le roi envoya une expédition au Cambodge, rendit ce pays tributaire et en chassa les Annamites. » Comme si chasser les Annamites du Cambodge et rendre ce pays tributaire du Siam, ce n’était rien !
Mais venons-en à cette campagne du Cambodge.
Le roi entre ou plutôt fait entrer ses armées en 1717 au Cambodge, en proie à d’incessantes luttes intestines. Lui-même nous dit Turpin était « assoupi dans les voluptés de son sérail ». De vives compétitions pour l’accès au trône existent entre divers princes cambodgiens.
Les Siamois et les Annamites prennent le malheureux pays khmer comme théâtre de leurs luttes. L’un des princes appelle le Siam à son secours, alors que son rival avait appelé les armées annamites.
L’armée de terre est sous les ordres du Phraya Chakri à la tête de 50.000 hommes et la flotte sous les ordres d’un amiral chinois nommé Phra Khosathibodi à la tête de 20.000 combattants. Cet amiral manifesta une totale incompétence et les armées de terre subirent aussi plusieurs désastres. Le prince ami des Annamites avait en effet pratiqué la politique de la terre brulée, laissant aux Siamois un pays dévasté et ravagé, les forçant à se nourrir de leurs animaux de trait. Mais, vainqueur sur mer, le parti annamite est finalement vaincu sur terre. Le prince ami des Siamois est probablement contraint, pour conserver le pouvoir de se reconnaître au moins nominalement leur vassal. Le Siam perdit des batailles mais gagna la guerre et chassa les Annamites du Cambodge. À partir de cette époque, les rois cambodgiens prirent l’habitude au moment de leur avènement d’envoyer des présents et des fleurs d’or en signe de vassalité.
Après cette campagne victorieuse, le règne de Thaï Sa fut paisible, il eut une carrière de bâtisseur, terminant la construction du canal entreprise par son père et se signala, nous disent les annales en construisant ou restaurant de nombreux temples. La dynastie quoique sanguinaire, fut aussi une dynastie de bâtisseurs (7).



(1) « Description du royaume thaï ou Siam » volume II, 1771.
(2) Article 100 « le règne de Phetracha ».
(3) Article 101 « Le roi Luang Sorasak ».
(4) « A history of Siam from the earliest time to the year A.D. 1781 with a supplement dealing with mor recent events » publié à Chiangmaï en 1924.
(5) « Description du royaume thaï ou Siam » volume II pages 92 s.
(6) « Le Cambodge – le groupe d’Angkor et l’histoire » volume 3, 1904, p. 783 s.
commenter cet article …