L’expédition de Phuket de 1689 du général Desfarges
On se souvient comment notre « brave » général avait abandonné M. Constance à la mort et avait fui dans le déshonneur laissant otages français et missionnaires subir la répression sanglante de la Révolution de 1688, et cela malgré le Traité signé et l’engagement français de soutenir le roi Naraï.
Il faut mesurer les conséquences de cette « forfaiture », encore aggravée par le non- respect de la parole donnée à propos des otages. Mgr Pallegoix dans son « Histoire de la Mission de Siam » raconte que les Siamois, mécontents de l’attitude de Desfarges, se saisirent de Monseigneur de Métellopolis, « le chargèrent de tant de coups qu’il est étonnant que ce prélat, déjà infirme, ne mourût pas entre leurs mains » et que les missionnaires furent jugés le 9 novembre, arrêtés et mis en prison avec les séminaristes et écoliers ainsi que les Français qui n’étaient pas partis avec Desfarges.
« Il n’y en eut pas un seul qui ne portat des marques sanglantes de la cruauté avec laquelle leurs gardiens les traitaient. Sept laïques y perdirent la vie, et plusieurs missionnaires, comme nous verrons, moururent peu de temps après qu’ils furent délivrés. De neuf jésuites français qui étaient à Siam, le seul père La Breuille y était resté. On alla le saisir dans la maison des pères portugais de sa compagnie, et on le mit en prison avec les missionnaires. »
Donc après sa fuite précipitée de Bangkok, le général Desfarges arriva à Pondichéry (Comptoir français), où il retrouva les débris de la garnison de Mergui, commandée par M. Du Bruant. On peut se douter qu’il réfléchit alors à la suite à donner à « son » Ambassade.
M. Desfarges fit assembler le Conseil le 6 février 1689.
M. de Bruant, M. de Vertesalles, M. de l'Estrille, capitaine du navire l'Oriflamme, M. de la Salle, commissaire général, M. François Martin, (le fondateur et le directeur du comptoir français de Pondichéry), ainsi que le sieur J.B. Martin, second du comptoir.et le sieur Véret (directeur du comptoir de Siam).
Ils devaient délibérer de ce qu’ils feraient de leurs vaisseaux et de leurs troupes, alors que quelques vaisseaux de la Compagnie se disposaient à partir pour la France. Le général Desfarges appuyé par M.Véret décida finalement une expédition punitive sur l’île de Joncelang (Phuket), avec cinq navires et plus de 300 hommes. Dans ses Mémoires (février 1689), François Martin précise : « Je n'ai jamais pu comprendre les raisons qui portèrent ces deux hommes à un voyage si mal dirigé ».
Ils voulaient évidemment tirer vengeance des affronts subis. Il ne semble pas qu’ils aient beaucoup pensé aux Français et aux missionnaires qui étaient encore au Royaume de Siam. (Mgr Pallegois jugera, dans son « Histoire de la Mission de Siam » cette « Expédition bien inutile, il n’y avait rien à occuper que des terres inondées et inhabitées »).
La « Cour du Siam » apprenant l’arrivée du général Desfarges à Phuket sût rapidement ce qu’il fallait faire pour faire plier le général en menaçant d’exécuter tous les Français détenus dans les prisons de Siam . On mit aussitôt Mgr de Métellopolis en prison chargé d’une chaîne et d'une cangue. On ordonna à l’évêque d’écrire au général une lettre dont la conclusion était explicite : « Nous périrons tous misérablement si vous n’accommodez les affaires, et vous seul serez la cause de notre perte. Prêtez-vous à tout, et je ne doute pas que le roi de Siam et ses ministres ne fassent ce qui convient pour entretenir l’amitié royale. » Finalement les mandarins firent eux-mêmes une réponse, à laquelle ils obligèrent Monseigneur de Métellopolis de mettre son cachet.
Le message devait être suffisamment convaincant. Le général libéra ses propres otages et fit voile sur Pondichéry avant de rentrer en France.
Les missionnaires et séminaristes durent attendre le jour de l’Assomption de1690, pour être tirés de prison et conduits sur une petite île insalubre. » MM. Gefrard, Monestier, Chevalier et Paumard, missionnaires, et cinq séminaristes, succombèrent en peu de jours ».
Le général Desfarges ne put même pas réussir son retour en France : il mourut de maladie pendant son voyage de retour. Son navire, l’Oriflamme, n’arriva jamais en France. Il disparut corps et biens dans une tempête au large de la Bretagne le 27 février 1691 ». (Mgr Pallegois).
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Sources : site Mémoires de Siam et de « Particularités de la révolution de Siam arrivée en l'année 1688 » par Jean Vollant des Verquains, Mémoires de François Martin, Février 1689, Extrait de l'Histoire la mission de Siam, par Monseigneur Pallegoix
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