Les rumeurs malveillantes propagées par « Mistress Kaen ».
Les annales, ou plus probablement la présentation de Cushman, nous plongent une fois encore dans un abime de perplexité : le chapitre suivant est intitulé « les rumeurs malveillantes propagées par Mistress Kaen ». Qui est cette « Mistress » ? La traduction fidèle nous indique qu’il s’agirait d’une institutrice ? Mais elle est présentée comme une « domestique » (« attendant »).
Quelles qu’aient été ses qualités, elle avait probablement l’ « oreille » du monarque. Nous savons à tout le moins que cette personne utilisa le plus vieux média du monde pour lui chanter le grand air de la calomnie deux mois après les cérémonies funéraires. Naraï ne tomba pas dans le panneau mais l’histoire ne nous dit pas quel sort fut réservé à la menteuse ? Les conspirateurs allégués, nous ignorons tout de leurs noms et qualités, rendirent au final hommage au roi qui manifesta sa sainte compassion (« his holy compassion ») par le pardon et une distribution de lauriers d’or et d’argent.
Les menaces de complots et de trahisons.
Les annales nous narrent ensuite pendant neuf longues pages encombrées systématiquement il est vrai de lignes entières consacrées aux titulatures du monarque, l’histoire de ces complots et de ces trahisons ce qui donne à penser que la légitimité du trône est encore chancelante.
Quand ? Nous n’en saurons rien (« plus tard ») ce qui est toutefois de peu d’importance lorsque nous savons l’absence totale de sérieux dans les datations des annales, quelles que soient les versions. Quel était le but de ces complots, prendre la place du roi, probablement, mais les annales sont muettes à ce sujet.
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Le roi est une première fois avisé par deux délateurs,
dont nous ne connaissons que les noms et surtout les qualités, ce sont des « phraya », des princes, qui avaient bénéficié de son précédent royal pardon, qu’un complot est fomenté par le prince de Phatthalung (les annales divergent sur son nom ce qui n’est pas essentiel). Il s’agit cette fois d’un complot armé, les responsables seront punis de la peine capitale exécutée en grand public, à la fois supplice du pal et décapitation.
« Un peu plus tard » (quand ?) une tentative d’assassinat est déjouée qui causa grande frayeur au roi : un Prince projetait de l’assassiner d’un coup de couteau. Nous ignorons s’il fut pardonné, puni du pal ou de la décapitation ou des deux à la fois.
« Plus tard » encore, le roi rendu méfiant probablement, est avisé par des espions,
qu’une autre tentative de complot est projeté, une embuscade à l’occasion d’une cérémonie religieuse à laquelle il doit se rendre au milieu de la nuit. Il s’agissait de la fête de Tri Yampawaï, cérémonie non pas bouddhiste d’ailleurs mais brahmanique. Toutefois les comploteurs se soumirent, rendirent hommage au roi qui les fit bénéficier de sa grâce royale.
« Un autre jour », les mêmes espions l’avisent d’un nouveau complot.
Ce complot était cette fois manifestement soigneusement préparé. La contre-attaque le fut aussi : le roi feint d’en être avisé non pas par son réseau d’espions mais par une pythonisse du temple.
Au lieu de tomber dans l’embuscade que prévoyaient de lui tendre les comploteurs, c’est eux qui tomberont dans celle qu’il leur tend. Mais une fois encore, Naraï leur fait grâce de la vie.
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Une demi-douzaine de complots probablement dans les mois qui suivent l’accession au trône, voilà bien qui démontre que la légitimation du pouvoir et le mécanisme de sa transmission ne sont pas assurés.
Il est un fait marquant compte tenu de ce que nous savons des mœurs du temps : Naraï démontre, face à ces frondes des princes, que chez un tout-puissant, la clémence, celle d’Auguste, est signe de force et non de faiblesse.
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