Le cinéma thaïlandais ?
Nous avons dû être nombreux et surpris, au mois de mai 2010, d’apprendre que le réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul venait de recevoir la palme d’or du festival de Cannes avec « Oncle Boonme celui qui se souvient de ses vies antérieures ».
Il était récompensé après des films comme (pris au hasard de la mémoire) : La dolce vita, Un homme et une femme, Apocalypse now, Adieu ma concubine, Pulp fiction, Underground, Rosetta, Le Pianiste, Entre les murs, Le ruban blanc…Notre ami Michel avait même consacré un article dans notre blog pour souligner « cet événement ».
Il y avait donc un réalisateur thaïlandais qui devait certainement avoir une oeuvre derrière lui, un cinéma thaïlandais avec son histoire, ses réalisateurs, ses œuvres, ses idées, ses « visions du monde ».
Comme tout à chacun on se souvenait de quelques films vus ces dernières années comme Ong Bak, Bangkok dangerous, Citizen dog, Bang Rajan, Satreelex, the Iron ladies, Tropical malady… On avait le préjugé qu’en général les Thaïlandais aimaient surtout les films de série B avec ses films d’horreur, d’action, de comédie plutôt lourde et le mélange des genres. Il pouvait être intéressant, comme pour la littérature thaïlandaise, de trouver un chemin d’accès, avec ses repères historiques, les réalisateurs qui ont marqué et qui font actuellement son actualité, les questions artistiques qu’ils se posent, les principaux films à voir. Enfin, on pouvait essayer, à charge pour nous de compléter et de corriger ultérieurement.
1/ Quelques repères historiques.
Le frère du roi Chulalongkorn, le Prince Sanbassatra est considéré comme le père du cinéma thaï (1897) et en 1920, une industrie cinématographique locale commence sous l’impulsion surtout du prince Kambeangbejr, qui anime le Service du Film du State Railway of Thailand et qui va permettre aux premiers cinéastes de se former avec de nombreux documentaires de promotion pour le chemin de fer et d'autres organismes gouvernementaux Une des premières œuvres produites fût Sam Poi Luang: Grande fête dans le Nord, outre Miss Suwanna de Siam (1923),
l'un des premiers films thaïlandais connus. En 1927 les frères Wasuwat produisent Chok Sorng Chan (Double Chance),dirigée par Manit Wasuwat. Cette même année, une autre société cinématographique, Tai Phapphayon thaïlandaise Company, produit Mai Khit Loei (Unexpected).
Mais 17 films seulement ont été réalisés entre 1927 et 1932 dont il ne restent que quelques fragments.
L'âge d'or
Le premier film parlant thaï sort le 1er avril 1932 Thang Long (L’ égaré), produit par les frères Wasuwat (Cie Si Kroung), C’est un film idéologique dans la période de réforme politique. En 1933, le premier film couleur est Trésor Papy Som (Pu Som Fao Sap) et en 35 mm, en 1938 Klua Mia (la femme-phobie) par le studio Srikrung.
Mais la dictature de Phibun oriente la production au service de la propagande nationaliste. Son principal opposant Pridi Phanomyong
produit L’ éléphant blanc du Roi , en 1940, avec les dialogues en anglais , pour dénoncer la direction militariste prise par son pays.
Les campagnes connaîtront surtout le folklore des films itinérants organisés en plein air dans les villages tantôt par les vendeurs de médicaments ou par différents sponsors à l’occasion des fêtes des temples, de village ou autre ordinations et crémations (Fouquet). Ils étaient doublés en direct ( jusqu’aux années 1970). Deux films contemporains rendent compte de cette épopée : Transistor Monrak ( 2000 ) et Bangkok Loco ( 2004).
L'après-guerre: L'ère du 16 mm
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le cinéma renaît de façon artisanale, en utilisant les excédents des films en 16 mm en noir et blanc à partir des stocks de guerre des films d’ actualités. Les films sont doublés en direct. (Ce standard a été utilisé jusqu’en 1972). On peut retenir deux films produits en 1946. Un film d'action , Chai Chatree (Brave Men), dirigé par le journaliste- cinéaste Sawetanant Chalerm, avec un scénario écrit par l'écrivain Malai Chupinij. L'autre film a été une adaptation d'un conte populaire , Chon Kawao (Le Village de Chon Kawao). On attribue le premier succès de l'époque en 1949 au film Suparb Burut Sua thaïlandaise ( !). La production de petites compagnies éphémères « passe de10 films en 1947/49 à 50 dès le début des années 50. Elle embrasse tous les genres possibles, de l’adaptation des légendes traditionnelles à d’exotiques westerns thai, kung-Fu thai voire Zorro thai »(Cf.Fouquet). Elle s’éteint en 1970 avec la mort accidentelle de la grosse vedette de l’époque, Mitr Chaibancha.
Le 35 mm et une 1ére reconnaissance internationale
Le réalisateur Rattana Pestonji
va utiliser le 35 mm et être le premier thaïlandais en 1954 (1953 ?) (dont le scénario était de Vichit Kunawudhi , l’un des cinéastes les plus importants des années 60/80), à proposer un film dans une compétition internationale, au Asia Pacific Film Festival de Tokyo , et en 1961 avec Soie noire , et à présenter le premier film thaïlandais en compétition au Festival de Berlin.
Mais la production annuelle de films sonores se limite à 2, 3 films par an. En 1970, deux films remportent un grand succès : Le charme du luk thung de Rangsi Thatsanaphayak et Thon de Piak Poster. On assiste à une amélioration technique avec un jeu des acteurs plus « naturel » mais toujours doublé dans un ton toujours « théâtral ».
Les thèmes ne varient guère puisque sur 200 films en 3 ans, on ne cite que 4 films ayant le courage d’aborder des thèmes sociaux comme Piak Poster avec L’Amant en 1972 traitant de l’adultère, Chatri Chalme Yukhol, en 1973 avec un certain Khan , en 1974 Thepthida Rongraem , La Madone du bordel, Khamrak sut Thai avec Le dernier Amour abordent la corruption, la prostitution et la condition féminine. Toutefois seulement 33 films sortiront entre 1973 et 1976.
En 1977, le gouvernement thaïlandais impose une lourde taxe sur les films importés. Hollywood impose un boycott. La production locale explose (plus de 150 films en 1978 par exemple), mais pour sortir de films d’action bon marché et des films bas de gamme. Les critiques évoquent une « eau puante » ( Nam Nao). On peut imaginer le style !
Toutefois le Prince Chatrichalerm Yukol réalisent des films « audacieux », dans les années 1970, avec Khao Chue Karn (Dr Karn), qui traitait de la corruption dans la fonction publique ou Hôtel Angel (Thep Thida Rong RAEM), de la prostitution . De même Vichit Kounavudhi ose un film sur la coutume qu’ont de nombreux thaïs « riches » de prendre une seconde épouse (la mia noï), ou encore avec Son nom est Boonrawd (1985) sur la prostitution autour d’une base américaine pendant la guerre du Vietnam . Vichit est également connu pour deux fictions sur Les gens des montagnes (Khon Phukao), un récit d'aventure d'un jeune couple des tribus montagnardes, et Look Isan (Fils du Nord-Est), sur les difficultés de vie d’une famille d'agriculteurs d’Isan dans les années 1930.
Également en 1985, Euthana Mukdasanit
fait un film Pipi Seua lae Dawkmai (Fleurs et papillons ), sur les difficultés rencontrées le long de la frontière dans le Sud de la Thaïlande et sur les relations entre le bouddhisme et la religion mulsumane. Il a remporté le prix du Meilleur Film au Festival du Film International d'Hawaii .
La nouvelle vague thaïlandaise
Nous avons lu qu’en 1981, les studios d'Hollywood inondent de nouveau le marché thaïlandais avec la télévision comme bon relais. Mais Fouquet nous dit que si la production annuelle était de 130 films et d’une centaine de 1982 à 1990, une dizaine au milieu des années 90 , « elle amorça alors une chute libre pour tomber à 6, fin 98 ».
Il faut attendre Nonzee Nimibutr , Pen-Ek Ratanaruang et Wisit Sasanatieng , venant de la publicité à la télévision, pour voir enfin le succès et une nouvelle reconnaissance internationale. En 1997, Nonzee, obtient un succès commercial avec Jeunes gangsters, et surtout avec Nang Nak, et Pen-Ek, voit son film Fun Bar Karaoke , sélectionné au Festival de Berlin ( la première fois depuis vingt ans).
Wisit, qui a écrit des scénarios pour Dang Bireley Nang Nak voit Les Larmes du Tigre Noir ,
inscrit au programme du Festival de Cannes . Les frères Pang venu de Hong Kong , se font remarquer avec Bangkok Dangerous et The Eye 1 et 2.
Ou si vous préférez l’expert Fouquet :
« Le public des salles se trouva réduit à un public d'adolescents aux goûts aussi stéréotypés- dans des genres aussi divers que la comédie (Yongyooth Thongkontun avec Satri lek, 2000),le film noir branché (Oxyde Pang avec Bangkok Dangerous, 2000), le film historique à hémoglobine (Tanit Jitnukul avec Bang rajan, 2000), voire le film thaï traditionnel dans tous ses états exotiques (Nonzee Nimibutr avec entre autres Nang nak, 2000) -; mais aussi des talents plus originaux. Le premier fut Pen-ek Ratanaruang avec, dès 1997, Fan ba karaoke (Fun Bar Karaoke) et qui depuis, via 6ixty-Nin9 (1999), Monrak Transistor (2001)
et Last life in the Universe (2003) a développé un regard ironique et critique
sur la société thaïlandaise contemporaine en même temps … tandis que le plus radical est sans conteste Apichatpong Weerasetsakul, dont le premier long-métrage Blissfully Yours a été présenté à Cannes en 2002, en même temps que Monrak Transistor. Peu de temps auparavant, Wisit Sasanatien avait réalisé Fa thalai chon
(Les Larmes de Tigre Noir, 2000), premier film thaïlandais jamais présenté
à Cannes (2001) et surtout hommage nostalgique au cinéma populaire
thaïlandais ».
Le film indépendant
Une nouvelle culture de cinéastes a grandi en dehors du système des studios traditionnels thaïlandais. Apichatpong Weerasethakul est le plus connu.
En 2002 Blissfully vôtre remporte le Prix d’ « Un Certain Regard » au Festival de Cannes . Tropical Malady , sera aussi lauréat du Prix du jury au Festival de Cannes. Mais ces deux films auront des problèmes avec la censure et n’auront qu’une projection limitée en Thaïlande (CF. chapitre infra sur la censure).
Parmi les autres réalisateurs indépendants on peut citer Aditya Assarat , Anocha Suwichakornpong , Pimpaka Towira, Pramote Sangsorn , Thunska Pansittivorakul et Sompot Chidgasornpongse, Le fleuve de Chao Phraya (1998) Mingmongkol Sonakul, (elle a produit des films de Apichatpong Weerasethakul ( Mysterious Object at Noon ); Pen-Ek Ratanaruang , y compris les Vagues invisibles ; Pimpaka Towira l ' One Night Husband et la mine d'étain par Jira Maligool . Son premier long métrage, I-San spéciale , 3 Amis , co-réalisé avec Aditya Assarat et Pum Chinaradee, et mettant en vedette Napakpapha Nakprasitte
2/Ainsi une première liste de réalisateurs et de films se dessine pour donner une idée du cinéma thaïlandais dans sa variété, même s’il faut noter une faible production annuelle de qualité.
Apichatpong Weerasethakul – qui a remporté trois prix au Festival de Cannes , dont la Palme d'Or en 2010. « Blissfully Yours » et « Maladie Tropicale », « Oncle Boonme celui qui se souvient de ses vies antérieures
Le prince Chatrichalerm Yukol, le »vétéran » , le réalisateur de La Légende de Suriyothai
(2001) et d’autres grandes fresques historiques comme Naseruan (la vie d’un roi d’ Ayuthia) (2010) ainsi que des films à thèmes sociaux comme Thoongpoon Khokpho (citoyen à part entière), Siadaï (Dommage)…
Cherd Songsri (1931-2006) : son œuvre la plus connue Plae Kao (La cicatrice). Il a remporté un prix en 1981 au Festival de Trois Continents de Nantes , France .
Nonzee Nimibutr – qui à la fin des années 1990 a redynamise l'industrie du cinéma thaïlandais)avec en 1997 : Antapan Krong Muang), en 1999 : Nang Nak et réalise son somptueux Jandara, (2001). (Nonzee Nimibutr se retrouve avec Peter Chan se retrouvent au générique de Trois Histoires de l'Au-Delà, dont ils réalisent chacun une partie). 2003 : OK Baytong, en 2008 : Pirates de Langkasuka
– Présent dans les grands festivals internationaux, comme en témoigne son Fun Bar Karaoke (qui parle justement des influences occidentales sur la société thaï) qui fait en 1997 le tour du monde grâce à sa projection à la Berlinale. Depuis quelques années, chaque film de Pen-Ek Ratanaruang est un événement mondial, comme Vagues. Aurélien Ferenczi, de Télérama.fr rend compte de la sortie de Ploy en salle en France le 16/4/2008 (Trois inconnus enfermés dans une chambre d'hôtel. Un léger soupçon dégénère en jalousie, quand l'apparition d'une jeune femme provoque des conséquences dévastatrices pour un couple marié …)
Rattana Pestonji 1908/1970),
le « pionnier », le premier cinéaste thaïlandais présent dans une compétition internationale. Rongraem Nark, (l'enfer à hôtel) Son premier film en couleurs a été en 1958 Sawan Mued ( ciel sombre ), qui comporte des chants et quelques scènes de bataille spectaculaires. Prae Dum ( soie noire ), est considéré comme le premier film noir et comme le meilleur travail de Rattana ,a été en compétition au 11e Festival de Berlin en 1961. Son dernier film a été fait en 1965, Nahmtaan Mai Waan ( sucre n'est pas sucré ). Une farce romantique,
L’un des rares à avoir évoqué la vie des « tribus montagnardes avec Les gens des montagnes (Khon Phukao) (1979), et les difficultés de vie d’une famille d'agriculteurs d’Isan dans les années 1930 avec Look Isan (Fils du Nord-Est)
Wisit Sasanatieng - scénariste pour deux des films Nonzee, Gangsters Dang Bireley et les jeunes en 1997 et le thriller fantôme, Nang Nak en 1999. s'est fait connaître à Cannes avec Les Larmes du Tigre Noir, un hommage aux films d'action thaïlandais de 1960 et 1970. En 2000 ce film sortait sur les écrans français. Depuis, son récent Citizen Dog a obtenu le Prix de la Critique Internationale à Deauville Asie 2005.
Les frères Pang avec le thriller stylisé Bangkok Dangerous, The Eye (2002) et The Eye 2 (2004). Outre leurs multiples films de fantômes, les frères Pang tournent aussi à Hong Kong en 2004 Leave Me Alone, comédie avec Ekin Cheng et Charlene Choi.
Arnaud Dubus dans son livre très documenté sur la Thaïlande (Les Guides de l ’Etat du monde ) cite d’ailleurs dans son chapitre « la palette de saveurs d’un cinéma créatif et impertinent » : le Prince Chatrichalerm Yukol, Yuthana Mookdasanit, Witjit Khunawout et Choet Songsri et la « nouvelle vague » des années 90 avec Apichatpong Weerasethakul, Pen Ek Ratanaruang, Nonzee Nimibutr. Il reconnait le cinéma audacieux de Apichatpong, l’approche plus traditionnelle de Nonzee qui « revisite les grands thèmes de la culture nationale » comme dans « Nag naak (Madame naak), le « facétieux » Pen-ek « qui remporte un large succès en Thaïlande » avec par exemple Mon rak transistor, last life in the Universe
Mais une première liste qui indique surtout ceux qui ont reçu une reconnaissance internationale, alors que le cinéma populaire est plus important et très différent, à l’instar, peut-être, comme en France, du vieux débat entre le cinéma d’auteur et le cinéma commercial
.
3/ Quelles pourraient être les caractéristiques du cinéma thaïlandais ?
3.1 Deux cinémas ?
Un « cinéma » qui répondrait plus aux normes et à l’esthétique occidentale et un cinéma qui serait plus « thaïlandais » et conçu pour les Thaïlandais !
Dans son étude « Profondeurs insoupçonnées (et remugles?) des "eaux croupies" du cinéma thaïlandais » Fouquet nous montre son étonnement admiratif devant les propos tenus par Jurée Vichit-Vadakan qui revendique les « figures convenues du mélodrame larmoyant avec ses digressions longues, lentes, « incohérentes et décousues » (sic) , loin de de tout lien avec la réalité sociale qui constituraient le « reflet cinématographique le plus authentiquement thaï que l’on puisse imaginer », loin dit-il, du cinéma engagé alors du cinéma tiers-mondiste et des films thaïs connus en Occident .
Ainsi Melaine Brou dans Thaïlander (10 février 2011), nous dit que « Le cinéma thaïlandais s’est fait connaître en Occident, et particulièrement en Europe, dans le courant des années 2000 grâce à des films singuliers, empreint d’une fraîcheur propre aux pays du sud-est de l’Asie. Mais dans le Royaume, la réalité est tout autre.
3.2 Genres et mélanges de genres.
Un cinéma thaïlandais qui se caractériserait par un mélange des genres ou « Un genre au sens thaï du terme apparaît avant tout comme une forme dramatique impliquant une saveur dominante et des saveurs secondaires qui lui sont obligatoirement associées » (écrit Gérard Fouquet, auteur d’une thèse sur le cinéma thaï contemporain. Cité par Dubus).
Un système des saveurs et des genres, que Fouquet nous dit de tradition indienne, avec des combinaisons standard, des situations, personnages, jeux, décors … convenus, facilement reconnaissables, dont justement le spectateur thaï apprécie la « saveur », les « émotions » . Ce qui ne veut pas dire que certains n’ont pas cherché aussi un récit « cohérent » comme M. C. Chatri Chalerm Yukhol et ensuite Euthana, Permpol, Cheyaroon - Chiwit batsop (Saloperie de vie, 1977) — ou encore de Manop Udomdej - Prachachon nok (En marge de la société, 1981)…
Un bon film thaï populaire doit donc mélanger les genres. « Les Thaïlandais raffolent d'un cinéma (plus léger), mêlant la comédie un peu lourde à divers genres cinématographiques comme l'horreur, l'aventure ou le thriller. »(Brou). Les Thaïlandais aiment rire et se faire peur pendant la même séance.
Avec un casting de stars thaïlandaises de la comédie, et de nombreuses références aux légendes et à la religion, les films populaires jouent à fond la carte du divertissement. Un des genres les plus prolifiques du moment est la comédie horrifique qui permet au spectateur à la fois de rire, et d’avoir peur.
Copiant la recette des feuilletons télévisés qui font le bonheur des Thaïlandais à toutes heures de la journée, ces films utilisent souvent des bruitages de cartoon pour accentuer l’effet comique de situations cocasses.
Un phénomène similaire se retrouve en Corée du Sud où la réalité du box-office coréen contraste étonnement avec les films exportés. En effet, la majorité des cinéastes coréens connus à l’étranger sont acclamés pour l’originalité et la violence à la fois visuelle et psychologique du thème et des personnages; alors que peu de Coréens les connaissent ainsi que leurs oeuvres, préférant les comédies à l’eau de rose. (Brou)
3.3 La censure. Une question controversée ?
Elodie et Caroline Leroy (22 août 2006 ) prétendent que malgré le phénomène Nang Yon Yuk qui « implique parfois le retour vers des valeurs conservatrices, voire réactionnaires, les sujets traités par les auteurs subissent en revanche peu de pression de la part de la censure. Selon Arnaud Leveau, historien et correspondant de presse basé à Bangkok, le poids de la censure reste faible. » Et de déclarer, naïvement ( ! ) : « Elle ne s'applique quasiment que sur la nudité et sur les propos relatifs à la famille royale et à la religion. Ainsi, le cinéma thaï peut aborder à peu près n'importe quel sujet… ».
Evidemment, si on ne touche pas à la religion, l’autorité royale, les coups d’Etat, le rôle joué par l’Armée dans la vie politique, le sexe, l’alcool, le tabagisme, les fusils pointés sur les gens … les censeurs risquent de ne rien censurer. Si on a oublié la polémique à propos du film Syndromes and a Century, et le mouvement pour un cinéma libre qui en 2007 a pris l’initiative d’une pétition signée par des artistes et des savants et qui a été soumis à l' Assemblée nationale législative, et si on n’entend pas les prises de position des cinéastes comme Apichatpong Weerasethakul qui voient ses films censurés. Brou confirme : « Les films d’Apichatpong Weerasethakul sont pour la plupart censurés et ne sortent que dans un petit nombre de salles. Les relations difficiles entre les personnages ne plaisent pas beaucoup aux censeurs qui brandissent les principes bouddhiques pour justifier la censure de scènes supposées gêner le public et la morale du pays».
Nous citons encore Arnaud Dubus qui confirme : « le ministère de la Culture, se voyant en gardien de la morale et des bonnes mœurs bien plus que comme promoteur de la créativité culturelle, exerce une stricte censure sur les films de fiction».
3.4 La parole aux cinéastes thaïs.
Eurasie : Pouvez-vous nous parler du cinéma thaï ?
Mingmongkol Sonakul : À mon avis, c’est encore une industrie très jeune, qui est encore en période de tâtonnements. Je lui donne environ cinq ans pour vraiment apporter de véritables nouveautés.
Eurasie : Les réalisateurs thaïlandais doivent-ils être très commerciaux pour réussir en Thaïlande ?
Mingmongkol Sonakul :
L’industrie du cinéma est de toute façon une activité à risques financiers. Même ceux qui réalisent des films commerciaux ne sont pas assurés d’avoir du succès. Les Thaïlandais ont tendance à aller voir en priorité des films hollywoodiens, plutôt que les productions locales.
Eurasie : Y-a-t-il vraiment une place pour le cinéma d’auteur ?
Mingmongkol Sonakul : Certainement. Mais une place très restreinte, qui représente une toute petite part de marché. Pas suffisamment importante pour gagner sa vie en tant que réalisateur. Ce qui explique la difficulté pour vivre de ce métier en Thaïlande.
Thrillers, films historiques, films d’horreur, comédies musicales : la production se diversifie énormément et le savoir-faire s’exerce d’un genre à l’autre. Le public thaïlandais répond présent. Mais à l’international, c’est du côté de l’avant-garde que les regards se tournent.
Bref, il reste à chacun de choisir, en fonction de ses go
Les salles de cinéma du Royaume sont de qualité et les films locaux (plus de 60 %) mènent la vie dure au cinéma américain, mais il est vrai que le cinéma d’auteur se voit souvent contraint de ne sortir qu’à l’étranger tant la censure est toujours vivace.
Allons voir par nous-mêmes avec : Ong Bak, Bangkok Dangerous Citizen Dog Monrak Transistor et Last Life in the Universe, Vagues, Leave me alone et One Take Only, The Shutter One Night Husband , Mehkong Full Moon Party (Killer Tattoo et Bangkok Haunted, Garuda…
Et vive le cinéma !
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1/Sources et références
L’inévitable Wikipédia
Mélanie Brou,Thailander du 10/02/20011
Le Cinéma Thaïlandais : Des Origines Au Renouveau - 22 août 2006 Dossier réalisé par Caroline & Elodie Leroy
Histoire et analyses par Anchalee Chaiworaporn sur Thaicinema
Articles de Chadila Uabamrungjit et Anchalee Chaiworaporn pour la Thaï Film Fondation
Histoire du cinéma thaïlandais sur Wikipedia
Présentation par Gérard Fouquet du cycle Introduction au cinéma thaïlandaisFouquet Gérard. Présentation : Profondeurs insoupçonnées (et remugles?) des "eaux croupies" du cinéma thaïlandais. In: Aséanie 12, 2003. pp. 143-156. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/asean_0859-9009_2003_num_12_1_1801
2/ Deux blogs pour ceux qui aiment le cinéma d’Asie et de Thaïlande, signés obeo.
http://moncineasie.blogspot.com/
http://voyageurasie-soleillevant.blogspot.com/
3/ quelques invitations de obeo :
Les frères Pang: :2 versions de Bangkok dangerous
La bonne : http://moncineasie.blogspot.com/2010/07/bangkok-dangerous-version-thailandaise.html
Pen-EkRatanaruang, « La nymphe », son dernier film, est un « flop » AMHA
http://moncineasie.blogspot.com/search/label/z%20Pen-ek%20Ratanaruang
Toute ma catégorie « Films Thaïlande » si cela peut fournir des pistes :
http://moncineasie.blogspot.com/search/label/THAILANDE
Un que je trouve très intéressant socialement sous des airs de « Drama » : Love of Siam
http://moncineasie.blogspot.com/2010/09/love-of-siam-rak-haeng-siam.html
Et pour conclure un film qui pour moi marque un tournant dans l’approche du film noir Thaïlandais: SLICE de KHOMSIRI Kongkiat (boxers)
http://moncineasie.blogspot.com/2010/08/film-slice-la-bombe-thailandaise.html
qui subit l’influence des thrillers Sud- Coréens (les maître du monde dans cette catégorie)
tout en gardant une très forte identité thaïlandaise.
commenter cet article …
OBEO 29/09/2011 08:18
grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-b 29/09/2011 23:59