Une découverte incroyable en 2013 ! « La cité perdue khmère de Mahendraparvata » sort de l ’oubli après 1200 ans »
Nous savons par l’épigraphie qu’en 800, il déplaça sa capitale sur le « Mahendraparvata », massif montagneux qui se situe au nord-est et à proximité d’Angkor. Cette capitale mystérieuse, beaucoup d’érudits la situaient sur le mont (Phnom en cambodgien) Kulen, à une quarantaine de kilomètres de Siamraep, source de l’identité khmer et l’un des lieux les plus sacrés du Cambodge, parc naturel protégé et site inscrit au « patrimoine mondial de l’humanité ».
Il y fit en effet célébrer en 802 un rituel magique pour libérer le Cambodge de la tutelle de Java,
ce que nous savons par une stèle en général datée de 1053 du temple de Sdok Kok Thorn, qui se situe dans la province de Sa Keao (1).
Il est le constructeur d’un immense empire qui s’étend entre Pagan et Champa, jusqu’au nord du Laos et à l’actuelle Malaisie, occupant une grande partie de la Thaïlande actuelle.
Mais sa capitale était perdue à ce jour.
Dissimulée par l’épaisse jungle cambodgienne du Phnom Kulen, la cité perdue sommeillait depuis 1.200 ans. Le « Cambodge post » du 16 juin 2013 nous apprend sa découverte, due à une équipe scientifique franco-australienne financée par une association … anglaise, « foundation archaeology and development » (2).
« La cité perdue de Mahendraparvata surgit de la jungle de Phnom Kulen après 1200 ans d’oubli ».
« Une équipe d’archéologues franco-australiens vient de mettre à jour une ville entière datant de 1200 ans, enfouie dans la jungle de Phnom Kulen, à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest d’Angkor. Grâce à une technologie récente ayant recours au laser appelée lidar,
les archéologues ont maintenant une vision totale de ce qu’était la cité de Mahendraparvata. Fondée en 802 par Jayavarman II, cette capitale dont on ignore tout est à l’origine de l’empire Khmer. Fixé à un hélicoptère, le lidar grâce à des milliards d’impulsions laser permet d’explorer la jungle la plus épaisse en fournissant des données qui auraient pris des années de recherches sur le terrain. Ce sont ces constatations qui ont conduit nos archéologues à se rendre sur les lieux, GPS à l’appui.
L’inventeur du site, est Jean-Baptiste Chevance, directeur de la fondation, la « tête » en quelque sorte, associé aux « jambes » (mais des jambes d’une très haute technicité), le professeur Damien Evans, de l’Université de Sidney, qui depuis des années utilise dans le monde entier des technologies d’avant-garde qui lui permit en particulier de découvrir en 2007 des dizaines de temples inconnus dans la région d’Angkor (3).
Le mérite du professeur Evans est d’avoir utilisé la technologie du lidar (« lightdetection and ranging ») aux fins de recherches archéologiques alors qu’elle était jusqu’à présent essentiellement employée à des applications cartographiques.
La découverte est fondamentale : indépendamment de celle de 28 temples inconnus,
les 36 temples déjà connus de Phnom Kulen sont reliés par tout un réseau de routes, de digues, de bassins et de canaux suivant une disposition parfaitement organisée en forme de carrés un immense réseau dont le lidar a permis la découverte.
Cette ville, fondée 350 ans avant Angkor, a été abandonnée pour des raisons inconnues, et semble, en raison d’énormes difficultés d’accès, avoir été totalement ignorée des pillards.
Ceci dit, il est exagéré de parler de « découverte d’une cité perdue » ou de celle d’un « Atlantide cambodgien » comme l’a rappelé le professeur Chevance au « Cambodia daily » (4).
La plupart des monuments de la zone étaient connus depuis longtemps (le début du siècle dernier, décrits par Aymonier et Lunet de la Jonquières)
et l’existence de la capitale de Jayavarman II bien connue par les écrits anciens. Ce que les recherches ont révélé c’est que ces reliefs enfouis sous la jungle sont les vestiges d’une ville ingénieusement structurée. Au total, 363 kilomètres carrés de surface ont été sondés et l’équipe a récolté en une semaine autant de données que sur des années de recherche sur le terrain.
La cartographie indique de manière détaillée l’organisation de la cité.



La nouvelle annoncée par « le Figaro » le 26 juin fait référence à « une opération conduite par des chercheurs de l'université de Sydney ». « Radio France International Asie » (numéro du 1er juillet) présente le projet comme l’œuvre de Damien Evans et notre compatriote simplement comme « ayant participé au projet ». Merci pour le directeur du projet ! Tous les médias, notamment cambodgiens ou anglophones, n’ont pas été aussi injustes, notamment le « Sydney Herald » qui avait annoncé la nouvelle en exclusivité le 15 juin.
Quoi qu’il en soit, nous avons là une grande découverte.
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(1) « Cartes de l’empire khmer d’après la situation des inscriptions datées » par Henri Parmentier in « Bulletin de l’école française d’Extrême-Orient », tome 16, 1916, pages 69-73).
(2) http://www.cambodge-post.com/
(3) site de l’université de Sidney :
http://sydney.edu.au/news/84.html?newsstoryid=1873.
(5) Il a soutenu en décembre 2011 à Paris-Sorbonne une thèse de doctorat « Le Phnom Kulen à la source d'Angkor, nouvelles données archéologiques ».
(6) Pour E. Aymonier, dés 1884, avant même la publication de son monumental ouvrage sur le Cambodge en 1900, cette localisation de la capitale aux environ du Mont Kulen « ne fait aucun doute » («L’épigraphie cambodgienne » in « Excursions et reconnaissances », n° 20 de novembre-décembre 1884)
Des fouilles ont été entreprises en 1936 sous l’égide du Musée Guimet et de son conservateur, Philippe Stern, de l’école française d’Extrême-Orient et de son directeur, Georges Coedès, pour rechercher notamment les vestiges de la capitale de Jayavarman II aux environs du mont Kulen (dont le nom sanscrit est Mahendraparvata « le mont du grand Indra . Elles ont probablement été interrompues par la guerre (voir « Mouseion », organe de l’ « office international des musées », supplément mensuel de décembre 1936). Le compte rendu de ces fouilles ne laisse planer aucune équivoque sur l’emplacement de la capitale du grand monarque sur le site du mont Kulen « à 40 kilomètres environ en nord-est d’Angkor » ainsi que l’affirme Philippe Stern (« Un nouveau style khmér au mont Kulén » in « Académie des inscriptions et belles-lettre – compte rendu des séances de l’année 1937 » p. 333 s.
(7) « Bulletin de l’AROM – amitiés – réalité – outre mer », numéro 23, avril 2011, article de Jean-Baptiste Chevance « Archéologie et développement au Cambodge : The Phnom Kulen Program » page 12.
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