HOMMAGE D’UN BAS-ALPIN A UNE PRINCESSE SIAMOISE DEVENUE BAS-ALPINE PAR LE CŒUR

La princesse Marsi Paribatra a quitté sa présente vie à Annot, dans les Alpes de haute-Provence, ce 8 juillet dernier. La princesse n’a pas eu droit à beaucoup d’hommages de la part des « autorités » locales françaises, préfète, ou élus. Une gerbe de S. M. la Reine Sirikit témoignait – heureusement – du respect dû à son rang et – ajoutons-nous - à son talent.

Mais qui était-elle ?
La princesse Marsi Paribatra (Momchaoyingmansisukhumphan Boriphat - หม่อมเจ้าหญิงมารศีสุขุมพันธุ์ บริพัตร) est née sur les marches du palais royal le 25 août 1931 au palais Bangkhunpron, actuel siège de la banque de Thaïlande (1). Sa vie fut mouvementée mais se termina en conte de fée. Elle était la fille du prince Chumbhotbongs Paribatra, Prince de Nakhon Sawan (Chumphotphong Boriphat - จุมภฏพงษ์บริพัตร) lui-même né le 5 décembre 1904 - Il était alors l’héritier présomptif du trône - et mort le 15 septembre 1959 à Bangkok, l'exil ayant alors été levé par le Roi Rama IX.

et de la radieuse princesse Mom Ratchawong Bandhu Dibya Devakula (พันธุ์ทิพย์ เทวกุลข) née le 8 mars 1909 et morte le 29 mai 1987.

Musicien émérite, il joua un rôle éminent dans les dernières années de la monarchie absolue, commandant en chef de l’armée royale, amiral en chef de la marine royale, plusieurs fois ministre, des armées, de l’intérieur, de la marine et conseiller privé de ses cousins, les rois Rama VI et Rama VII. Sa mère, d’une famille de protestant évangéliste, était une universitaire de haut niveau, diplômée d’architecture et d’architecture intérieure.
Son grand père est le deuxième fils du roi Rama V, Paribatra Sukhumbhand, Prince de Nakhon Sawan ( สมเด็จพระเจ้าบรมวงศ์เธอ เจ้าฟ้าบริพัตรสุขุมพันธุ์ กรมพระนครสวรรค์วรพินิต). Il joua comme héritier du trône un rôle tout aussi important que celui de son fils dans la politique siamoise.

Il était marié à la princesse Sukhumala Marasrii, l’une des quatre épouses et elle-même fille de Rama IV et de l’une de ses concubines.

L’exil.
Un bel avenir s’ouvre pour la petite fille, mais sa famille est exilée à la suite du coup d’état de 1932 : Lorsque le coup d’état éclate le 24 juin 1932 les officiers se saisirent du prince héritier et des principaux princes de la famille royale dont le patrimoikne est appréhendé. Le prince Paribatra est remis en liberté le 3 juillet seulement à charge de quitter le pays, ce qu’il fit le lendemain avec sa famille (2).
La famille se retrouve en Indonésie où son grand père meurt en 1944. Elle se retrouve ensuite en Angleterre où se déroulent ses études primaires jusqu’au retour de la famille en Thaïlande. Elle entre alors à l’école Mater dei à Bangkok, très distinguée école catholique tenue par des Ursulines (3).

Pendant la guerre, l’école se replie sur Hua Hin. Ses parents y habitent une maison de village, et elle se rend tous les jours en vélo à l’école.

A la fin de la guerre, la vie reprend son cours, l’école revient à Bangkok, la princesse y termine sa scolarité en 1946 et part ensuite poursuivre des études en Suisse, en France et en Espagne. Elle obtient tout d’abord un titre de docteur es lettres de l’Université de Paris en 1954 pour sa thèse « Le romantisme contemporain : essai sur l'inquiétude et l'évasion dans les lettres françaises de 1850 à 1950 » publiée aux éditions Polyglottes la même année. Elle publiera quelques années plus tard en Sorbonne une thèse complémentaire sur le sujet « L'occultisme chez Huysmans et Le goût de Baudelaire en peinture ».

Toujours férue de littérature française, elle publie dans la « Revue de littérature comparée » un article sur le sujet « Victor Segalen, un exotisme sans mensonges » (numéro d’octobre décembre 1954 p 497 s.). Elle est probablement la muse de Jacques Bousquet qui fut son mari et qui publia en 1964 aux éditions Didier un important ouvrage sur « Les thèmes du rêve dans la littérature romantique ».

Elle se retrouve ensuite à Madrid comme professeur de « civilisation extrême orientale » à l’Université des arts Carlos III tout en donnant parallèlement des cours d’histoire de l’art à l’Université Chulalongkorn. Elle soutient en 1959 à Madrid une thèse sur le sujet « Base sociale, technique et spirituelle de la peinture paysagiste chinoise » qui lui permet de décrocher le titre de Docteur en Histoire de l’art. C’est à Madrid qu’elle avait rencontré Jacques Bousquet, professeur lui aussi qui travaillait pour l’Unesco. Elle « a été mariée » avec lui, dit-elle pudiquement. Respectons sa vie personnelle. Ce mariage avec un étranger lui fit perdre tout droit d'accéder au trône pourtant devenu accessible aux femmes.

Elle abandonne ensuite totalement la littérature pour la peinture et décide alors de s’installer à Paris.
Une nouvelle carrière commence.
Elle y rencontre en 1961 André Poujet, peintre abstrait surtout connu dans le milieu surréaliste. Il partagea probablement sa vie et mit fin à sa propre carrière pour lui enseigner l’art de peindre. Ils quittent Paris en 1968 pour s’installer à Annot dans le quartier Vellara, petit village qu’ils avaient découvert et dont ils tombent amoureux. André Poujet meurt en 1996 après avoir consacré un magnifique ouvrage exhaustif à l’œuvre picturale de la princesse.

La princesse ne cesse de peindre restant à Annot au milieu de ses souvenirs, dans la modeste bergerie qu’ils avaient aménagée,

...multipliant les expositions et les conférences un peu à Nice et aussi à Bangkok.

Amoureuse de la nature, de la musique ...

...et des animaux, excellent cuisinière (paraît-il ?) elle vit alors au milieu des fleurs, au bord d’un ruisseau alpestre et dans une maison qui abrite chats, chiens et oiseaux.

Elle a trouvé un nouveau mentor en la personne de Michel Stève (auquel la liait une amitié « purement intellectuelle »), architecte, docteur en histoire de l’art de l’université de Paris-Sorbonne, auteur d’une thèse soutenue en 1993 sur « néo-classicisme en 1900 » et spécialiste de l’architecture de la Côte d'Azur.
De graves ennuis de santé l’ont contrainte de cesser de peindre en 2004.
Elle a quitté sa bergerie pour l’un des paradis bouddhistes le 8 juillet 2013. Incinérée à Nice, ses cendres sont revenues à Bangkok.

La mort de cette princesse a suscité de la part de celui d’entre nous qui, des Basses-Alpes est présentement exilé dans la Thaïlande la plus profonde, quelques observations d’humeur un peu désabusées.
L’attitude des élites des Alpes de haute-Provence à l’occasion de ce décès a approché du néant.
L’autorisation nécessaire du préfet (qui était une préfète mais ce n’est pas une excuse) pour le transfert des cendres à Bangkok parle des cendres de Madame Marsi Paribatra « crématisée » à Nice.

La courtoisie la plus élémentaire voulait qu'on ne la prive pas de son titre. les titres sont - soit dit en passant - mentionné sur les documlents d'état civil thaïs.
Même observation sur l’acte de décès, pas même un « Madame ».

La princesse n’a pas eu droit au moindre hommage des « autorités » locales, ni de la préfète bien sûr (mais lors de la même intronisation, elle a avoué tout ignorer de ce département, faute avouée est donc presque pardonnée), ni d’aucun des élus locaux, sénateur, députés ou conseillers généraux, sauf un article sympathique tout de même dans le revue municipale de la Commune d'Annot. Merci à son maire-conseiller général et directeur de la publication.

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Il n’y avait que des nobles siamois parmi lesquels il nous a semblé reconnaître son cousin gouverneur de Bagnkok et ses amis d'Annot lors de la cérémonie funéraire …

Cette abstention a suscité dans la presse thaïe (« Bangkok post » et « Nation ») quelques réflexions plus ou moins acerbes.
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Son œuvre peinte est accessible sur le site de la fondation (bilingue thaï et anglais)
http://www.marsifoundation.org/gallery/
La fondation a également une page Facebook
https://www.facebook.com/Marsi.Foundation/
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Nous avons consacré plusieurs articles à la princesse :
A 123. LA PRINCESSE MARSI PARIBATRA, UN PARCOURS INTELLECTUEL ET ARTISTIQUE ÉTONNANT ! (1931-2013) : Un hommage rendu à la thèse de la princesse dans la revue des « intellectuels » du parti communiste :
A 188 - AUTOUR DE LA THÈSE DE S.A.S. LA PRINCESSE MARSI PARIBATRA « LE ROMANTISME CONTEMPORAIN » (1954) : Une lecture de sa thèse qui n’est pas d‘accès facile :
http://www.alainbernardenthailande.com/2015/07/a-188-autour-de-la-these-de-s-a-s-la-princesse-marsi-paribatra-le-romantisme-contemporain-1954.html
« HOMMAGE RENDU À LA PRINCESSE MARSI PAR UN AMI QUI L’ESTIMAIT ».
Un hommage que lui rend son ami Michel Stève :
http://www.alainbernardenthailande.com/2015/08/hommage-rendu-a-la-princesse-marsi-par-un-ami-qui-l-estimait.html
NOTES
(1) หม่อมเจ้าหญิง Momchaoying, est un titre spécifique qui s’applique aux petites filles ou arrières petites filles d’un souverain non alors appelées à régner en vertu de la « loi des mâles » qui était applicable, on pourrait le traduire par « son altesse royale ». Les prédicats siamois sont largement aussi compliqués que ceux définis par Saint-Simon sous Louis XIV..
(2) Une intéressante analyse de ce coup d’état nous est donnée dans la « Revue mensuelle de documentation internationale et diplomatique », numéro de janvier à décembre 1932, article non signé « Siam, le changement de régime », page 436 s.
(3) Celles-ci ont ouvert depuis peu un site Internet http://www.ursulinesth-ur.org/en/
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MARCHESSAUX 15/08/2013 11:26
grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-b 17/08/2013 02:52
Rémi Perelman 15/08/2013 09:23
grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-b 15/08/2013 10:33
MARCHESSAUX 14/08/2013 14:27
grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-b 15/08/2013 02:12
Jean Francois 14/08/2013 00:38
grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-b 14/08/2013 00:58
Chris 11/08/2013 16:07
grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-b 11/08/2013 23:40
Jean-François 11/08/2013 14:06
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Jacky 11/08/2013 05:06
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