Article 20 : 90 % des logiciels piratés en Thaïlande !
C’est le « scoop » de ces derniers jours : la Thaïlande devrait être condamnée car 90 % de ses ordinateurs auraient des programmes « piratés »... La télévision, les quotidiens ou Internet, tous crient haro sur ce pays indigne.
Et pourtant le département du commerce extérieur américain a publié le 30 avril dernier une liste des pays « à surveiller en priorité » pour leur usage abusif de la contrefaçon.
La « priority watch list » établit le classement des 12 pays présentant le plus de risques pour la « santé financière du pays ».La Russie et la Chine occupent toutes les attentions du communiqué officiel, suivies par l’Argentine, le Chili, l’Égypte, l’Inde, Israël, le Liban, et ensuite seulement viennent la Thaïlande, la Turquie, l’Ukraine et le Venezuela.
Il n’est pas sûr que les USA arrivent à nous faire pleurer sur leur santé financière, ni la télévision française à nous convaincre de l’évidence du vol présumé.
Si je vole une pomme ? Elle va manquer à l’arboriculteur. Mais si je « vole » un programme ? va-t-il manquer à son concepteur, si je « vole » une chanson, va-t-elle manquer à son artiste ? si je vole une idée, disparait-elle ? ou se multiplie-t-elle ?
Le premier homme qui inventa le feu en fit profiter l’humanité tout entière sans breveter son invention pas plus que l’autre génie inconnu qui a inventé la roue. Aucune des inventions de Léonard de Vinci n’ont fait l’objet d’un dépôt de brevet en bonne et due forme.
De même, il ne peut pas exister de contrefaçon scientifique puisque les découvertes purement scientifiques ne sont pas susceptibles d'un droit légal......
Il y a de quoi être effaré de la tournure que prend ce débat, tout se passant comme si ces droits, protection des auteurs, compositeurs, inventeurs, étaient des acquis depuis toujours.Le droit d’auteur n’existe en fait que depuis peu.
Avant que ne soit inventée l’écriture, le conteur s’emparait d’un mythe et l’arrangeait à sa manière ... Moïse, Homère, le Ramayana ...Vint l’écriture, le prix du livre était le prix du travail du copiste et non celui de son contenu.
Arriva Gutenberg. Les artistes vivaient du mécénat. La plupart des œuvres étaient des commandes. Le commanditaire devenait propriétaire de l’œuvre une fois celle-ci payée. L’artiste n’était payé qu’une seule fois pour le travail accompli.
Le droit d’auteur n’existait pas plus que celui des inventeurs. Le plagiat était monnaie courante mais à l’époque personne n’aurait songé à intenter un procès pour plagiat.
On ne va pas refaire l’historique des lois qui depuis le XVIIIème siècle, vont ensuite protéger les auteurs. Certes, la Loi sur la propriété intellectuelle se justifie mais ne se justifie cependant que par la nécessité de trouver un équilibre entre l’intérêt public et l’incitation à innover.
Arriva le « Cyber espace » et son big bang avec internet, la mise en réseau des ordinateurs, la possibilité de télécharger gratuitement , de recopier librement à l’infini, et ses nouveaux « pirates ». Le choc avec la propriété intellectuelle était inévitable, le choc entre les propriétaires de logiciels et leurs consommateurs.
Où est aujourd’hui l’équilibre entre le droit légitime des auteurs ou inventeurs et celui non moins légitime du public ?
Les pays ont une approche différente de la propriété intellectuelle, selon qu’ils sont importateurs ou exportateurs tout simplement ! Les Etats-unis se sont séparés de la mère patrie parce qu’ils ne voulaient pas payer de droits à l’Angleterre. 250 ans plus tard, ils adoptent très exactement la position de l’Angleterre à leur égard il y a deux siècles et demi.
Internet est-il seul à avoir déchainé les passions des ayants droit ? Que non pas ! Rappelez-vous donc le foin déclenché par l’arrivée des lecteurs-enregistreur double K7, des magnétoscopes ou des graveurs CD de salon.
L’art devenant une marchandise, le comportement des artistes s’est distingué entre ceux qui cherchent la postérité et ceux qui cherchent le profit immédiat.
Tout ceci pour aboutir à un constat tout simple :
La protection des droits d’auteur ou inventeur n’a jamais servi les intérêts des vrais talents. Les droits ne servent qu’à ceux qui recherchent le profit : artistes bidon, maisons de disques, éditeurs, commerçants, industriels. Ce n’est plus le talent de l’écrivain qui lui attribue le prix Goncourt, c’est la puissance financière de son éditeur. Les droits nourrissent les parasites de la création, jamais les vrais artistes ou les inventeurs de génie.
D’une manière générale, le principe du droit d’auteur et de toute propriété intellectuelle, sous sa forme actuelle est mort. Le courage politique aurait voulu que soit lancé un vrai débat sur le statut de l’artiste, de l’inventeur, la création..
Et la contrefaçon des logiciels, là dedans ? Elle est une activité économique comme une autre. Elle exige ingéniosité, investissement, labeur et technique commerciale. Le petit informaticien thaï qui travaille dans un hangar près de chez moi et qui est capable de « craquer » en dix minutes un disque original de Windows ou de Photoshop n’est pas un criminel ! Ce n’est en effet ni un crime, ni du terrorisme comme nous le font accroire les capitalistes avides de gros sous. Il devrait en être de même pour toutes les inventions que ce soit dans le domaine technique, biologique, philosophique, artistique ou plus imbécilement du luxe.
On réduit tout à l’argent alors que tout effort devrait servir à la communauté humaine. Non satisfaits d’être bedonnants, les financiers tentent de culpabiliser les pauvres en associant le non respect de la propriété intellectuelle au crime et au terrorisme !
On reproche au copieur une concurrence déloyale. Mais déloyale pour qui ? Certainement pas pour le déshérité pour qui copier est un moyen comme un autre de survivre
C’est grâce à la contrefaçon que les pays asiatiques, la Corée, Taiwan, la Chine, l’Inde, la Thaïlande et ailleurs le Maroc, la Turquie, le Mexique ont saisit leur chance pour nourrir leur population en égalant le niveau économique des plus riches.
Si l’on doit condamner un pirate, ce doit être uniquement parce qu’il a mal copié l’original, et qu’il n’a pas respecté les normes de sécurité des jouets par exemple ou si la molécule du médicament n’est pas la bonne. En effet, dans ce cas, c’est dangereux voire criminel.
Alors 90% des logiciels sont piratés en Thaïlande ! Est-ce réellement la faute des pirates thaïs ? Vous avez dû vous rendre compte que nous le pensions pas.
Nota. Utiliser intentionnellement le même vocable, « pirate », pour qualifier le copieur ou l’utilisateur de la copie et le mettre moralement au même rang que le voyou qui pirate les codes d’une banque pour s’insérer dans son système informatique et se remplir les poches est purement et simplement abusif.
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bdeguilhermier 04/05/2011 01:11
Olivier 01/04/2011 19:48
grande-et-petites-histoires-de-la-thailande.over-b 09/04/2011 06:19