Notre Isan
Un préalable s’il vous plait, อีสาน se prononce issan et DOIT s’écrire Isan. Il existe un système de transcription officiel du thaï tombé de l’académie royale (qui connaît sa langue) et qui a été adopté à Berlin en août 2002 par les Nations unies dans le cadre de l’uniformisation de la transcription des noms géographiques. Ne parlons pas des « ESARN » « ISSAN » ou autre « ISAAN » tombés de l’imagination de chefs de village rédigeant les panneaux indicateurs ou de certains guides francophones qui ignorent les normes de transcription.
Ce sont 20 provinces depuis la création récente de la dernière, celle de Bungkan à l’extrême nord marquée 1 ci dessous :
Notre province d’adoption est peut – être le berceau de la civilisation. Les fouilles de Banchian (à une cinquantaine de kilomètres d’Udonthani) démontrent l’existence d’une civilisation florissante et avancée 2500 ans avant Bouddha (métallurgie, élevage, culture du riz, tissage, poteries et rites funéraires). Un peu de modestie ne messied pas : A cette époque nos ancêtres habitaient des huttes, étaient vêtus de peaux d’auroch, s’exprimaient par grognements et attendaient la foudre pour avoir du feu.
Les statistiques thaïes sont incertaines, la population serait de 22 millions d’habitants concentrée dans les provinces de Khorat, Ubonratchathani, Udonthani et Khonkaen.
La langue principale est l’Isan , un patois du lao dont il est très proche, lui même relativement proche du thaï. La partie sud-est, Buriram , Surin , et Sisaket est plus spécifiquement proche des khmers. Beaucoup de Vietnamiens aussi, réfugiés dans les provinces de Mukdahan et Nakhonphanom . L’Isan avait une écriture spécifique (entre thaï et lao) fâcheusement perdue et dont il ne subsiste plus que des vestiges dans les deux musées de Khonkaen. On parle toujours Isan dans les chaumières indépendamment des provinces proches du Cambodge où on utilise un dialecte proche du khmer. Le thaï « standard », on l’apprend à l’école et on le comprend partout.
L’Isan (à l’époque, les Français parlaient de « Laos siamois ») a échappé (de peu) à la voracité coloniale des Français. Les tentatives de christianisation venues du Laos avec les pères des missions étrangères se sont révélées un fiasco. Comme dans tout le pays, la population est bouddhiste theravada mais on rencontre d’incontestables traces de fétichisme et d’animisme venues à l’évidence du fonds des temps. Si les églises chrétiennes ne manquent pas, elles sont essentiellement fréquentées par les réfugiés Laos et vietnamiens. Ultra minoritaires, les catholiques sont d’une ferveur qui me rappelle un peu les cérémonies africaines, agrémentées de nos bons vieux psaumes traduits en thaï, de musique et de coutumes locale (on n’ offre pas le pain mais un panier d’ananas), elles ne sont assurément pas la corvée obligée du dimanche où l’on se rend par convenance. Les missions protestantes, anglaises et américaines, ne paraissent pas avoir eu le moindre impact. Il y a, épars, de petits noyaux musulmans, venus probablement des provinces de l’extrème sud.
Je ne sais s’il y a encore beaucoup d’illettrés en Isan, mais je constate qu’il y a des écoles partout et dans tous les coins, écoles « du gouvernement » ou écoles attachées au temple, qu’il y a plus de boutiques Internet dans mon village de 3.000 habitants que dans une ville française de 100.000 et qu’à l’occasion d’un scrutin local auquel j’ai assisté du début jusqu’à la fin, je n’ai vu qu’une très vieille personne apposant son pouce sur le registre des émargements... Ce qui n’empêche pas ma voisine d’en face de pisser debout ce que l’on ne fait plus dans les campagnes françaises depuis quelques dizaines d’années et que dans toutes les administrations qui installent des toilettes « à l’européenne », de gentilles affichettes joliment illustrées expliquent comment il faut les utiliser pour faire caca.
Les provinces sont essentiellement agricoles, riz, canne à sucre et manioc (ce qui pue lorsque vous circulez au moment de la récolte)
Ne parlons pas de la « gastronomie » ( ?) locale entre riz gluant, somtam agrémenté de crabes de rizière faisandé et lap incendiaire, des goûts et des couleurs, on ne discute pas. La pauvreté contraint les populations à être créatives, lézards, grenouilles et têtards, insectes grillés, voilà des morceaux de roi !
Les Thaïs considèrent les Isans, pauvres, paysans, peau foncée, parlant patois, comme des plouks ce qui ne les empêche nullement d’utiliser cette population industrieuse comme travailleurs sous payés et maltraités dans tout le pays. Ceci expliquant (partiellement) cela, le souvenir des maquis communistes n’est pas loin et la région est politiquement et globalement « rouge ».
Pour découvrir l’Isan, le « guide vert Michelin » a le mérite de donner un bref apperçu de toutes les provinces, il ne peut malheurement pas être exhaustif. Notre ami Patrick, le blogueur, est le vaillant rédacteur d’un guide remarquable sur sa propre province, « l’Isan, Udonthani et sa province ». Chaque province a également son site Internet, une mine d’or... mais le plus souvent il vous faudra lire le thaï !
Bienvenue sur notre blog, où, avec l’amour que nous avons tous trois pour cette région, nous essayerons de vous transmettre au fil des jours et des semaines notre passion pour l’histoire des rapports sinusoidaux entre le pays et la mère patrie. Après donc « nos » relations franco-thaïes, nous vous proposerons une série sur la découverte de l’ Isan , historique, géographique, culturelle, et même politique (soyons fous !).
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